ÉLÉMENTS DE CORRECTION DE LA DISSERTATION

DU CONTRÔLE CONTINU

CONSEILS POUR CELLE DE L’EXAMEN

Le meilleur moyen de vous aider pour l’examen, c’est d’abord de vous permettre de reprendre le travail que vous avez fait pour le contrôle continu. Les deux exercices sont en effet identiques, à la seule différence du nombre des textes sur lesquels porte le sujet. En effet, la dissertation de l’examen portera sur les trois œuvres mises au programme.

Je vous indique par ailleurs que vous trouverez sur le blog, dans la rubrique « techniques de la dissertation », un cours complet sur l’exercice, avec des exemples précis.

Quelques éléments préalables :

La dissertation est un raisonnement, elle n’est pas un répertoire de ce que vous savez sur les textes. Il ne s’agit pas de dire ce que vous savez, encore moins tout ce que vous savez, mais de construire un raisonnement qui montre quelque chose de précis. Tout ce qui n’entre pas dans le cadre du raisonnement ou qui ne le fait pas progresser ne sert à rien, et vous pénalise, même si ce que vous dites est par ailleurs juste. Choisissez vos arguments et vos exemples en fonction de leur efficacité par rapport à ce que vous voulez montrer.

Comme c’est un raisonnement, votre travail doit pouvoir se résumer en une phrase claire, qui en reprend successivement les parties. Si vous ne pouvez pas formuler cette phrase, c’est que votre étude n’est pas encore au point.

Ce raisonnement est organisé. L’ordre attendu se distribue en trois parties. Si vous ne parvenez pas à construire une troisième partie, deux peuvent suffire, à condition que vous proposiez une discussion problématisée ! C’est là l’essentiel.

La plupart des sujets se présentent sous la forme d’une citation. C’était le cas ici. Cette citation énonce un avis, une position, à propos d’un ou de plusieurs aspects d’une ou de plusieurs œuvres. Le sujet dit quelque chose à propos de quelque chose. Il énonce ainsi une thèse. Cette thèse est soit explicite, soit implicite. Le premier travail, celui de l’analyse du sujet doit conduire à dégager cette thèse. Ensuite, il s’agit de construire une problématique correspondant à cette thèse. C’est à dire d’explorer sa pertinence : de montrer en quoi elle risque d’être fausse. Une fois cela mis en place, le devoir consiste dans la discussion de cette thèse.

Ainsi, toute dissertation doit prendre la forme d’une discussion. Sinon, ce n’est pas une dissertation. Si vous discutez, vous dissertez.

Voici les étapes de votre travail :

Analyser le sujet afin d’en dégager et d’en comprendre la thèse.

Construire la problématique

Composer un plan détaillé

Rédiger l’introduction et la conclusion

Rédiger le corps du devoir

1 Analyse du sujet

Raymond Picard écrit à propos du personnage de Manon Lescaut (Préface p. 93) :

« Manon est donnée au lecteur comme un absolu : incompréhensible et immuable […] Manon est posée là, sans justification, sans recul à l’égard d’elle-même, presque sans pensée. Elle est. On ne peut parler d’elle qu’en termes de nature ».

Vous discuterez ce jugement à partir de votre lecture de Manon Lescaut

La première étape est une prise de connaissance du sujet. Elle peut permettre d’établir la signification générale de la citation. Elle permet aussi d’être attentif aux indications données par le libellé, s’il y en a (ici, le libellé est sans surprise, et n’apporte pas d’indication particulière). On doit aussi dégager le thème du sujet (de quoi il est question), afin ensuite de ne pas sortir du cadre en se mettant à parler d’autre chose. Ici, il est question d’un personnage particulier, du personnage féminin qui est au centre du texte. On pourra parler dans le travail d’autres aspects de l’œuvre ou d’autres personnages uniquement si cela se rapporte à Manon et si cela permet de mieux comprendre CE personnage-là. Il faut toujours revenir au thème, ne jamais s’en écarter, sous peine d’être hors-sujet.

Il s’agit ensuite de réfléchir aux termes clés, aux mots, et donc aux idées, qui sont importants. Si vous n’avez pas de dictionnaire (dans le cas d’un examen), cela n’empêche pas de prendre le temps de se demander quel est le sens des termes, afin de s’assurer que l’on comprend bien, qu’on ne laisse pas de côté une signification importante à laquelle on n’aurait pas pensé d’abord.

On doit aussi être attentif à la manière dont le sujet est construit, dont les phrases et les propositions sont agencées, au ton qui est utilisé. Ici, les propositions sont formulées de manière nette, elles sont privées de nuances dans leur manière de dire qui est Manon en tant que personnage. Ces formules catégoriques appellent justement une discussion qui les nuance.

La citation est dominée par le verbe être. Il s’agit de dire qui est/ce qu’est Manon. Le problème central est alors celui de l’identité. Or, cette idée d’identité est minée par des termes qui semblent nier toute notion d’humanité : Manon est. Elle est donnée au lecteur. Elle est posée là. Le personnage de Manon semble moins la représentation d’une personne pour être une pure présence, sans profondeur ni contenu.

L’étude des mots importants précise les choses.

Manon est un absolu. Le terme pouvait poser problème, mais il est en quelque sorte défini ensuite par deux idées : elle est incompréhensible et immuable.

On peut retenir de l’idée d’absolu son sens technique, à savoir le contraire de relatif. Manon serait un absolu au sens où elle existe indépendamment de tout le reste, qu’elle est sans relations avec ce qui l’entoure. Elle serait dans une sorte de perfection isolée, ce qui explique son double caractère d’être incompréhensible (cela implique qu’on ne peut par nature pas la comprendre) et immuable (elle ne change jamais, ne devient rien). Ces éléments seront à discuter, il s’agit pour l’instant de comprendre leur logique.

La deuxième phrase précise les choses. Manon est posée là. Il y a en elle (en tant que personnage) quelque chose de l’objet. Elle n’a pas d’origine, elle ne devient pas ce qu’elle est, elle ne réponde à aucune logique qui l’expliquerait. Elle est « sans justification », à savoir qu’il n’y a pas de causes qui expliqueraient sa présence et ses actes. Elle est juste là, sans raison (attention : il s’agit des raisons d’être et d’agir du personnage, pas de celles qui expliqueraient sa présence et sa justification dans le livre). Picard précise : « sans recul à l’égard d’elle-même ». Elle serait ainsi dépourvue de cet espace par lequel on prend conscience de ce que l’on est, de ce que l’on fait. En elle tout est immédiat, sans réflexion, purement spontané. Comme il n’y a pas de conscience réflexive, il n’y a pas d’espace pour la morale, ni pour le changement. Cela explique l’immuabilité. Elle est enfin « presque sans pensée » : Manon serait vide, sans intériorité. Attention, il ne s’agit pas ici de la pensée pratique, qui est présente, mais de la dimension spirituelle et rationnelle de l’esprit. Elle ne pense pas le monde, ne se pense pas elle-même. Elle est pure action/réaction, mécanisme, comme un phénomène naturel.

Ainsi Manon ne se donne que par ce qu’elle est. C’est une pure présence, sans origine, sans devenir, sans complexité, sans intériorité, sans conscience. En cela, elle est impénétrable par ce qu’elle est vide.

Le terme qui rassemble la proposition de Picard se trouve dans la dernière phrase : On ne peut parler d’elle qu’en termes de nature ». La renvoyer à la nature (ce qui se fait indépendamment de l’homme, ce qui se fait par soi) est la seule manière de parler adéquatement de Manon. Cette idée de nature renvoie alors nettement à celle d’une nature féminine.

Tous ces éléments sont à discuter, et c’est leur discussion qui forme la dissertation à proprement parler. Il ne peut s’agir de seulement les illustrer.

La thèse de Picard, qui est clairement formulée, se laisse ainsi paraphraser. Le seul discours qui convient au personnage de Manon est celui de la nature, en général et de la nature féminine en particulier. Cette naturalité se définit ainsi : sans lien avec autre chose que soi, sans devenir ni évolution, sans intériorité ni conscience : elle est purement privation.

2 La problématique.

C’est l’essentiel de toute dissertation. Il faut construire la problématique. Il n’est pas besoin ici d’aller chercher du côté d’une contradiction interne, la citation étant riche d’éléments catégoriques à discuter. Il faut se demander si le personnage que nous présente le texte est bien tel que la citation le décrit. Peut-on parler d’elle autrement qu’en termes de nature. Nous le verrons, Manon n’est pas un absolu, puisqu’elle se comprend dans ses relations avec les autres personnages et avec le monde (la société qui l’entoure), elle n’est pas immuable, elle est en partie intelligible (justement parce qu’elle n’est pas un absolu mais un personnage de la relation : comprendre c’est intégrer dans un réseau de causes et d’effets). Le texte ne nous la montre pas aussi vide et privée d’intériorité (d’affects et de pensées) que Picard le dit. Attention : une thèse ne se formule par forcément de manière interrogative. Il y a même des pièges à éviter dans la formulation interrogative : ceux qui conduisent à des problématiques trop générales (du genre : Manon est-elle conforme à ce que Picard affirme d’elle ?) Il faut que la problématique (c’est la formulation du problème, lequel est l’ensemble des raisons qui peuvent faire que la thèse peut se trouver fausse) précise bien les éléments qui rendent la thèse peut-être difficile à soutenir.

3 Le plan

Une fois que le sujet est bien compris, que les problèmes sont vus et formulés, on peut envisager de construire un plan. D’abord un plan général, qui agence les grandes parties du devoir, et ensuite un plan détaillé qui précise le détail de chaque section du devoir.

Le plus souvent, le plan peut être envisagé ainsi : une première partie explique la thèse. Il y a presque toujours quelque chose qui la justifie, et de toute manière on ne critique bien que ce qui est bien compris. C’est ce qu’on appelle dans la logique dialectique qui fonde l’exercice de la dissertation : la thèse. Ensuite, il s’agit de montrer les problèmes que pose cette thèse. C’est la partie où les termes de la discussion se nouent. La fameuse antithèse. C’est là que les limites, les erreurs ou les nuances apparaissent. Enfin, il s’agit de sortir de l’opposition entre les deux parties précédentes, en envisageant un dépassement : la synthèse. On peut tenir compte de ce qu’il y a de pertinent dans la thèse ainsi que des problèmes, pour proposer une nouvelle thèse qui soit meilleurs de celle de départ.

Deux précisions : si le sujet présente une thèse très paradoxale (très différente de la doxa) sur une question, il est possible de commencer par présenter ce contre à quoi la thèse s’oppose. Et ensuite de déplier le sens de la citation dans une deuxième partie.

La synthèse peut parvenir à réaffirmer la thèse initiale, mais enrichie par les critiques formulées dans la deuxième partie. Il ne s’agit pas alors de redire ce qui a été dit, mais de le préciser, de l’approfondir, de lui donner un sens et une portée que la première interprétation n’avait pas saisis.

Ici, ce plan général peut se présenter ainsi (il y a d’autres façons de faire, ce n’est qu’un exemple), de manière simple (ne pas chercher un raffinement excessif qui nuit à l’efficacité de votre discussion) :

1 Manon ressemble à un absolu qui évoque l’idée d’une nature, et d’une nature féminine.

2 Mais elle n’est pas cet absolu que l’on pourrait croire : le texte ne la donne ni comme immuable, ni comme incompréhensible, ni comme vide de toute intériorité, de toute pensée.

3 La synthèse peut prendre différentes formes :

Celle que vous avez le plus souvent proposée consiste à dire que le personnage de Manon est une construction masculine. C’est juste, mais il faut relier cela aux termes et aux enjeux du sujet pour ne pas risquer le hors sujet. C’est pourquoi je propose la chose suivante :

Manon est une contradiction apparente entre absolu et relatif. Ce qui résout cette contradiction c’est qu’elle est un absolu pour les hommes qui la regardent et qu’elle est relative du point de vue du texte (qui n’est pas celui de l’auteur, dont on se fiche).

Ce sont les hommes qui voient Manon comme un absolu (et de ce point de vue Picard reproduit le schéma d’une lecture masculine), mais il est possible de construire à partir du texte une image de Manon très différente, celle d’un personnage qui se comprend par la société, et justement par le regard masculin, et qui s’explique par une réaction à ces forces extérieures qui la déterminent et dont elle tente de se libérer.

Manon est ce que le texte à la fois dit et cache : un personnage qui recherche le bonheur et le plaisir. Ainsi, le roman de Prévost montre à la fois un tabou : le plaisir féminin, et les forces qui tentent de le dissimuler, de le contenir, de l’anéantir, en partie par l’idée d’une nature féminine.

On pourrait résumer ainsi : Manon n’est pas une nature, parce qu’une telle nature n’existe pas. Cette nature est une image masculine, le texte le dit, mais qui se heurte à une autre image elle-même donnée par le texte : Manon est une femme dont l’être et les actions répondent à une culture, à une société, à une pensée et à des affects.

On peut ensuite envisager un plan détaillé. Celui-ci doit être aussi précis que possible : il doit formuler les arguments de chaque sous-partie et de chaque paragraphe, et indiquer clairement les exemples qui vont illustrer ces arguments. Comme la dissertation est un raisonnement, elle implique des arguments. Chaque paragraphe exposera un argument. Mais comme elle porte sur des textes précis, ces arguments doivent reposer sur des exemples précis issus des œuvres. Donc : jamais d’argument sans au moins un exemple. Cette vue détaillée du devoir doit permettre également de choisir l’ordre dans lequel les choses se présenteront, en veillant à être efficace : du plus immédiat et superficiel vers le plus important et profond. Vous devez également être très attentif à ne jamais sortir du sujet : tous les éléments dont vous parlez doivent impérativement être reliés aux termes et aux enjeux du sujet. Si vous n’arrivez pas à les y relier, c’est que vous êtes hors sujet. Enfin, il est tout à fait possible que vous ne parveniez pas à élaborer une troisième partie satisfaisante qui ne soit pas HS. Dans ce cas, il vaut mieux se contenter de deux parties où une vraie discussion se noue, et de rédiger une conclusion plus longue.

Idéalement, une fois votre plan détaillé construit, vous n’avez plus qu’à vous concentrer sur la rédaction. Je ne vous propose pas ici un tel plan, juste une sorte d’ébauche, que le cours vous aidera à achever :

I Le personnage de Manon comme image d’un absolu, celui de la nature féminine

(Il faut tenir compte ici de tous les éléments de la citation : ne rien oublier, ne rien ajouter)

1 Manon semble Immuable, une pure présence sans devenir

2 Manon semble sans intériorité (ni affects, ni pensée)

3 Ce qui la rend incompréhensible

II Une autre image de Manon, qui échappe à la nature : du côté du relatif

1 Le devenir de Manon

2 Pensées et sentiments de Manon

3 Manon se laisse expliquer et comprendre lorsqu’elle devient relative (aux autres personnages, à la société, à elle-même) : Manon est un homme comme les autres …

III Manon et le paradoxe : une nature féminine construite par des hommes/un bonheur au féminin représenté par le récit

1 Manon est vue par des hommes : c’est là que se fabrique l’idée d’absolu et de nature

2 Le récit suggère du personnage une autre image : liberté et quête de plaisir, de bonheur

3 La force de l’idée de nature féminine qui pourtant n’existe pas dans le texte : Manon et l’aliénation.

Vous trouverez dans le texte et le cours de quoi remplir ces rubriques.

4 Introduction et conclusion

Enfin, je voudrais faire quelques rappels sur l’introduction et la conclusion (qu’il vaut mieux rédiger au brouillon avant de commencer à écrire le devoir)

L’introduction doit comporter obligatoirement les éléments suivants :

1 une entrée en matière qui amène le sujet

2 la reprise du sujet (ou bien recopié ou bien résumé)

3 l’analyse du sujet afin d’en formuler exactement la thèse

4 la problématique (c’est-à-dire la formulation du problème)

5 l’annonce du plan

La conclusion est la reprise synthétique de la discussion. Elle répond à l’introduction. Inutile de rédiger une « ouverture », souvent factice et mal venue.

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Pour l’examen vous aurez à faire le même exercice : une dissertation à partir d’une citation. La seule différence, c’est qu’elle portera sur les trois textes. Ce qu’il ne faut pas faire : une partie portant chacune sur un seul texte. Cela qui ajoute une contrainte en plus par rapport à la dissertation du contrôle continu : il faut qu’il soit question des trois textes dans chacune des trois parties, mais pas forcément dans chaque paragraphe. À vous de doser et d’utiliser judicieusement ce dont vous avez besoin pour votre discussion.

PS. Vous avez sur le blog un cours complet de dissertation, qui porte sur la dissertation générale du CAPES, mais dont les indications conviennent le plus souvent à votre exercice de dissertation spécifique. Vous trouverez là tous les éléments supplémentaires dont vous pourriez avoir besoin.

correction de la dissertation, conseils pour l'examen