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Cours et détours

Anthologie de sujets CAPES (classés par thème) 1

23 Octobre 2010 , Rédigé par J.-L. Martine Publié dans #Techniques de la Dissertation

Anthologie de sujets du CAPES

(Classés par thèmes)

 

La poésie

 

Lettres Classiques 1962 (hommes)

Souffrance et poésie.

Poésie et langage :

Lettres Modernes 1962 

Paul Valéry écrit dans Variété II * : « Le devoir, le travail, la fonction du poète sont de mettre en évidence et en action ces puissances du mouvement et d’enchantement, ces excitants de la vie affective et de la sensibilité intellectuelle, qui sont confondus dans le langage usuel avec les signes et les moyens de communication de la vie ordinaire et superficielle. Le poète se consacre et se consume donc à définir et à construire un langage dans le langage. » Que pensez-vous de cette opinion ? Vous aurez soin de vous référer à des exemples précis. 

*[article « Situation de Baudelaire », 1924

 

Lettres Classiques 1964 (femmes)

Que pensez-vous de ces réflexions d'Alain ?

« La poésie sans poésie, comme est celle de l'abbé Delille, décrit beaucoup et ne fait rien paraître. La vraie poésie décrit peu, et indirectement, souvent par de hardies métaphores qui sont très loin de la chose, comme « le pâtre promontoire » ou « ce toit tranquille »; mais la vraie poésie fait aussitôt paraître quelque chose. Non pas que l'on voie, car ce ne sont que des éclairs, ce ne sont que des couleurs et des formes non encore rangées ; seulement nous sentons la présence de cet univers. Or, sentir la présence, c'est bien plus fort que voir, c'est presque toucher, c'est sentir comme si l'on touchait. « Vous y croirez être vous-même», dit le pigeon voyageur. » (Propos de littérature).

 

Poésie et universalité :

Lettres Modernes 1965 (femmes)

Commentez, en l'appliquant à un seul poète de votre choix, ce jugement sur la poésie que Baudelaire exprime à propos de Victor Hugo : « Sitôt que vous voulez me donner l'idée d'un parfait artiste, mon esprit ne s'arrête pas à la perfection dans un genre de sujets, mais il conçoit immédiatement la nécessité de la perfection dans tous les genres. Il en est de même dans la littérature en général et dans la poésie en particulier. Celui qui n'est pas capable de tout peindre, les palais et les masures, les sentiments de tendresse et ceux de cruauté, les affections limitées de la famille et la charité universelle, la grâce du végétal et les miracles de l'architecture, tout ce qu'il y a de plus doux et tout ce qui existe de plus horrible, le sens intime et la beauté extérieure de chaque religion, la physionomie morale et physique de chaque nation

, tout enfin, depuis le visible jusqu'à l'invisible, depuis le ciel jusqu'à l'enfer, celui-là, dis-je, n'est vraiment pas poète dans l'immense étendue du mot et selon le cœur de Dieu. Vous dites de l'un : c'est un poète d’intérieurs, ou de famille ; de l'autre, c'est un poète de l'amour, et de l'autre, c'est un poète de la gloire. Mais de quel droit limitez-vous la portée des talents de chacun ? Voulez-vous affirmer que celui qui a chanté la gloire était, par cela même, inapte à célébrer l'amour ? Vous infirmez ainsi le sens universel du mot poésie. Si vous ne voulez pas simplement faire entendre que des circonstances, qui ne viennent pas du poète, l'ont, jusqu'à présent, confiné dans une spécialité, je croirai toujours que vous parlez d'un mauvais poète, d'un poète incomplet, si habile qu'il soit dans son genre. » Ch. BAUDELAIRE, L'Art romantique, p. 307-308. N.B. - Les mots en italique sont imprimés ainsi par Baudelaire lui-même.

Lire la poésie :

1966 (hommes)

Commentez et discutez cette opinion de Paul VALÉRY (Variété I, Villon et Verlaine) : « J'estime, - c’est là un de mes paradoxes, - que la connaissance de la biographie des poètes est une connaissance inutile, si elle n'est nuisible, à l'usage que l'on doit faire de leurs ouvrages, qui consiste soit dans la jouissance, soit dans les enseignements et les problèmes de l'art que nous en retirons. Que me font les amours de Racine ? C'est Phèdre qui m'importe. Qu'importe la matière première, qui est un peu partout ? C'est le talent, c'est la puissance de transformation qui me touche et qui me fait envie. Toute la passion du monde, tous les incidents, même les plus émouvants, d'une existence sont incapables du moindre beau vers. Même dans les cas les plus favorables, ce n'est pas ce en quoi les auteurs sont hommes qui leur donne valeur et durée, c'est ce en quoi ils sont un peu plus qu'hommes. Et si je dis que la curiosité biographique peut être nuisible, c'est qu'elle procure trop souvent l'occasion, le prétexte, le moyen de ne pas affronter l'étude précise et organique d'une poésie. On se croit quitte à son égard, quand on n'a fait, au contraire, que la fuir, refuser le contact, et, par le détour de la recherche des ancêtres, des amis, des ennuis ou de la profession d'un auteur, que donner le change, esquiver le principal pour suivre l'accessoire. »

 

Poésie et essence de la littérature :

1967 (Femmes)

Rémy de Gourmont a écrit : « En somme, il n’y a qu’un seul genre en littérature : le poème. Tout ce qui n’est pas poème n’est rien du tout, ou bien rentre, ce qui est loin d’être un déshonneur, dans cette vaste catégorie, la science. » « La vie de Barbey d’Aurevilly », in Promenades littéraires, 1904-1913. Expliquez et discutez.

 

Lettres classiques 

Les pouvoirs de la poésie.

 

Roman/poésie :

Lettres classiques

Pierre Reverdy écrit dans son Bloc-Notes « 39-40 » : « En lisant un roman, le lecteur ravi devient imaginairement un autre ou les autres. Le poème l'émeut mais le laisse en lui-même et plus intensément lui-même ». Qu'en pensez-vous ?

 

Lettres Classiques 1971

Le symbole en poésie.

N.B. - Naturellement vous appuierez votre développement sur des exemples précis.

 

Lettres Modernes 1987

Francis Ponge écrit le 29 janvier 1954 : « A partir du moment où l’on considère les mots (et les expressions verbales) comme une matière, il est très agréable de s’en occuper. Tout autant qu’il peut l’être pour un peintre de s’occuper des couleurs et des formes. Très plaisant d’en jouer. Et pourquoi n’y aurait-il pas un public, une clientèle pour goûter à ces jeux ? Par ailleurs, c’est seulement (peut-être) à partir des propriétés particulières à la matière verbale que peuvent être exprimées certaines choses – ou plutôt les choses. On me dira que telle n’est pas la fin de la parole. C’est possible. Et que l’on préfère aussi d’autres écrits, cela peut certes se concevoir. Mais s’agissant de rendre le rapport de l’homme au monde, c’est seulement de cette façon qu’on peut espérer réussir à sortir du manège ennuyeux des sentiments, des idées, des théories, etc.… » Pratiques d’écriture ou l’inachèvement perpétuel, p. 89, Hermann édit., collection « L’esprit et la Main », 1984.

Vous commenterez, en vous appuyant sur l’analyse d’exemples précis, ces propos de Francis Ponge et direz dans quelle mesure vous partagez la conception de la littérature qu’ils impliquent.

 

Poésie et obscurité : 

Lettres modernes, 1989

Saint-John Perse dit à propos de la poésie : « L’obscurité qu’on lui reproche ne tient pas à sa nature propre, qui est d’éclairer, mais à la nuit même qu’elle explore, et qu’elle se doit d’explorer : celle de l’âme elle-même et du mystère où baigne l’être humain. Son expression toujours s’est interdit l’obscur, et cette expression n’est pas moins exigeante que celle de la science. » (« Allocution au Banquet Nobel du 10 décembre 1960 », Bibliothèque de La Pléiade, Editions Gallimard, 1972, p. 445-446). En vous appuyant sur l’analyse d’exemples précis, vous direz dans quelle mesure vous partagez cette conception de la poésie.

 

Essence de la poésie :

Lettres classiques 1990

« Ce n'est pas ce qui est regardé qui définit la poésie, c'est le regard. Ce ne sont pas les choses qui arrivent qui font un poème, c'est la façon du poète d'arriver dans les choses. » Vous commenterez ce point de vue de Claude ROY en vous appuyant sur des exemples précis.

 

La poésie et le monde :

Lettres Modernes 1994

« Au nom d’un “matérialisme” de la lettre, certains ont vidé la poésie de tout rapport avec l’être et avec la matière. Ils se sont adonnés aux glissements intensifs de la “chaîne signifiante”, où se perdent de vue les signifiés. Moyennant quoi, leur écriture est devenue parfois illisible, et ils ont contribué à détourner les lecteurs de la poésie. La lisibilité d’un poème se fonde en effet sur un double rapport des mots qui le composent avec l’horizon interne du texte et avec l’horizon externe du monde. Se priver de l’un de ces deux horizons, c’est s’exposer soit au réalisme, soit à l’hermétisme. » (Michel Collot, L’Horizon fabuleux, Librairie José Corti, 1988, p. 214). En vous référant à des exemples précis, vous commenterez et discuterez ces réflexions.

 

Essence de la poésie. Poésie/pensée/morale :

Lettres classiques 1997

Dans le préambule destiné à la publication de ses Œuvres complètes, Antonin ARTAUD (1896-1948) écrit : « Moi poète j'entends des voix qui ne sont plus du monde des idées. Car là où je suis il n'y a plus à penser. » Un siècle et demi plus tôt, Madame de Staël avait fait dire à Corinne, l'héroïne de son roman (publié en 1807) : « Je me sens poète, non pas seulement quand un heureux choix de rimes et de syllabes harmonieuses, quand une heureuse réunion d'images éblouit les auditeurs, mais quand mon âme s'élève, quand elle dédaigne de plus haut l'égoïsme et la bassesse, enfin quand une belle action me serait plus facile : c'est alors que mes vers sont meilleurs. Je suis poète lorsque j'admire, lorsque je méprise, lorsque je hais, non par des sentiments personnels, non pour ma propre cause, mais pour la dignité de l'espèce humaine et la gloire du monde. » Vous vous interrogerez sur la conception du poète que supposent ces deux points de vue, en les confrontant.

 

Poésie/roman :

Lettres Modernes, 1998

Michel Butor écrit dans Répertoire II (Paris, les Editions de Minuit, 1964, « le Roman et la Poésie », p. 7) : « Etudiant, comme beaucoup, j’ai écrit quantité de poèmes. Ce n’était pas seulement distraction ou exercice ; j’y jouais ma vie. Or, du jour où j’ai commencé mon premier roman, des années durant, je n’ai plus rédigé un seul poème, parce que je voulais réserver pour le livre auquel je travaillais, tout ce que je pouvais avoir de capacité poétique ; et si je me suis mis au roman, c’est parce que j’avais rencontré dans cet apprentissage nombre de difficultés et de contradictions, et qu’en lisant divers grands romanciers, j’avais eu l’impression qu’il y avait là une charge poétique prodigieuse, que le roman, dans ses formes les plus hautes, pouvait être un moyen de résoudre, dépasser ces difficultés, qu’il était capable de recueillir tout l’héritage de l’ancienne poésie. » En vous appuyant sur des exemples précis et variés, vous montrerez dans quelle mesure ce témoignage permet de caractériser le roman.

Essence de la poésie :

Lettres modernes, 1999

Dans l'Entretien des Muses, Philippe JACCOTTET écrit : « La poésie est elle-même non pas dans le maintien à tout prix de telle ou telle prosodie, mais dans l'usage kde la comparaison, de la métaphore ou de toute autre mise en rapport ; elle est au plus près d'elle même dans la mise en rapport des contraires fondamentaux : dehors et dedans, haut et bas, lumière et obscurité, illimité et limite. Tout poète est au plus près de lui même dans sa façon singulière de les saisir. » Vous analyserez et discuterez ce propos en fondant votre réflexion sur des exemples précis et d'époques diverses.

 

Essence de la poésie, langage :

Lettres Modernes, 2001 

En vous appuyant sur des exemples précis, commentez et discutez cette affirmation de Jean-Paul Sartre : « Les poètes sont des hommes qui refusent d’utiliser le langage. Or, comme c’est dans et par le langage conçu comme une espèce d’instrument que s’opère la recherche de la vérité, il ne faut pas s’imaginer qu’ils visent à discerner le vrai ni à l’exposer. Ils ne songent pas non plus à nommer le monde et, par le fait, ils ne nomment rien du tout, car la nomination implique un perpétuel sacrifice du nom à l’objet nommé ou pour parler comme Hegel, le nom s’y révèle l’inessentiel, en face de la chose qui est essentielle. Ils ne parlent pas ; ils ne se taisent pas non plus : c’est autre chose. […] En fait, le poète s’est retiré d’un seul coup du langage-instrument ; il a choisi une fois pour toutes l’attitude poétique qui considère les mots comme des choses et non comme des signes. » Qu’est-ce que la littérature ? Paris, Gallimard, 1948; réédition: Paris, Gallimard, 1999, coll. « Folio / Essais », p. 18-19.

 

Lettres Classiques 2002

« La poésie est un territoire où toute affirmation devient vérité […]. Le poète n’a besoin de rien prouver ; la seule preuve réside dans l’intensité du sentiment. » Milan Kundera, La Vie est ailleurs (Gallimard, 1973).

Que pensez-vous de cette affirmation ? Vous appuierez votre réflexion sur des exemples précis.

 

Lettres Classiques 2006

« La poésie est cette démarche qui par le mot, l’image, le mythe, l’amour et l’humour m’installe au cœur de moi—même et du monde. »

Vous apprécierez et discuterez cette affirmation du poète Aimé CÉSAIRE (revue Tropiques n° 12, « Poésie et connaissance », janvier 1945) en vous appuyant sur des exemples précis et variés d’œuvres poétiques.

 

Essence de la poésie, langage :

Lettres Modernes 2008

«  ... il n’y a poésie qu’autant qu’il y a méditation sur le langage, et à chaque pas réinvention de ce langage. Ce qui implique de briser les cadres fixes du langage, les règles de la grammaire, les lois du discours. C’est bien ce qui a mené les poètes si loin dans le chemin de la liberté, et c’est cette liberté qui me fait m’avancer dans la voie de la rigueur, cette liberté véritable. » (Louis Aragon, « Arma virumque cano » [« Je chante les armes et l’homme »], préface du recueil Les Yeux d’Elsa, 1942 ; éd. Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade", OEuvres poétiques complètes, I, 2007, p. 747). Vous analyserez et discuterez ces propos en vous appuyant sur des exemples précis.

poésie et insignifiance 

Lettres modernes 2012 

Le poète contemporain Christian Prigent écrit :

« Parce qu'elle embrasse passionnément le présent, la poésie affronte une in-signifiance: Le sens du présent est dans cette insignifiance, dans ce cadrage impossible des perspectives, dans ce flottement des savoirs, dans cette fuite des significations devant nos discours et nos croyances. »  (Christian Prigent, A quoi bon encore des poètes?, P.O.L., 1996, p. 36)

Commentez et éventuellement discutez ces propos en vous appuyant sur des exemples précis et variés.

 

Le roman

 

Lettres Modernes 1952 [Nouveau régime] « Un roman est comme un archet, la caisse du violon qui rend les sons*, c’est l’âme du lecteur. » Stendhal *Ces trois mots sont soulignés par l’auteur.

[Aucune consigne n’était ajoutée à cette citation]

 

Lettres Modernes 1955

« Lorsque l’un de mes héros avance docilement dans la direction que je lui ai assignée, lorsqu’il accomplit toutes les étapes fixées par moi, et fait tous les gestes que j’attendais de lui, je m’inquiète : cette soumission à mes desseins prouve qu’il n’a pas de vie propre, qu’il ne s’est pas détaché de moi, qu’il demeure enfin une entité, une abstraction ; je ne suis content de mon travail que lorsque ma créature me résiste, lorsqu’elle se cabre devant les actions que j’avais résolu de lui faire commettre. » Comment concevez-vous, d’après ces réflexions de M. François Mauriac, la démarche de création littéraire dans le domaine du roman ?

 

Lettres Modernes 1957

« Le plus bel éloge que l’on pouvait faire autrefois d'un romancier était de dire : « Il a de l’imagination ». Aujourd'hui, cet éloge serait presque regardé comme une critique. C’est que toutes les conditions du roman. ont changé. L’imagination n’est plus la qualité maîtresse du romancier. J’insiste sur cette déchéance de l'imagination, parce que j'y vois la caractéristique même du roman moderne. Tant que le roman a été une récréation de l'esprit, un amusement auquel on ne demandait que de 1a grâce et de la verve, on comprend que la grande qualité était avant tout d’y montrer une invention abondante. Même quand le roman historique et le roman à thèse sont venus, c’était encore l’imagination qui régnait toute-puissante, pour évoquer les temps disparus ou pour heurter comme des arguments des personnages bâtis selon les besoins du plaidoyer. Avec le roman naturaliste, le roman d'observation et d'analyse, les conditions changent aussitôt. Le romancier invente bien encore, il invente un plan, un drame ; seulement, c'est un bout de drame, la première histoire venue, et que la vie quotidienne lui fournit toujours. » Émile Zola, Le Roman Expérimental, « Le Sens du Réel » L’évolution du roman au XIXe siècle, du moins en vous vous appuyant sur des ouvrages que vous connaissez, vous paraît-elle être exactement définie par Émile Zola ; sinon quels tempéraments convient-il de lui apporter ?

 

1960

« Le romancier authentique crée ses personnages avec les directions infinies de sa vie possible : le romancier factice les crée avec la ligne unique de sa vie réelle. Le génie du roman fait vivre le possible ; il ne fait pas revivre le réel. » À l’aide de quelques exemples, vous expliquerez et discuterez ce jugement d’Albert Thibaudet.

 

1963

« C’est pourquoi on ne peut dire que le personnage de théâtre soit plus ou moins libre que le personnage de roman, ni que seule l’action dramatique soit la représentation d’un conflit. Il y a lutte et conflit dans les deux cas : le personnage de roman lutte contre ses tendances, le personnage de théâtre lutte contre les autres ou contre une fatalité extérieure… Le personnage de roman est toujours un candidat à la névrose, et le roman n’est guère que le récit de l’évolution d’une névrose vers son paroxysme… Le personnage de théâtre est aussi un névrosé : mais il l’est au départ ; au moment où il se présente à nous, sa névrose est déjà établie, et elle se présente comme un élément constitutionnel de son caractère. Le personnage de roman s’asservit de plus en plus à sa névrose ; le personnage de théâtre cherche seulement à y asservir autrui ». P.A. Touchard, L’Amateur de théâtre. En vous appuyant sur un petit nombre d’exemples précis, dites dans quelle mesure il vous semble possible de souscrire à ce parallèle entre le personnage de théâtre et le personnage de roman.

 

1964

Commentez en illustrant votre dissertation par quelques exemples précis tirés des « romans les plus célèbres » cette opinion d’Albert Camus sur le roman : « Voici donc un monde imaginaire, mais créé par la correction de celui-ci, un monde où la douleur peut, si elle le veut, durer jusqu’à la mort, où les passions ne sont jamais distraites, où les êtres sont livrés à l’idée fixe et toujours présents les uns aux autres. L’homme s’y donne enfin à lui-même la forme et la limite apaisante qu’il poursuit en vain dans sa condition. Le roman fabrique du destin sur mesure. C’est ainsi qu’il concurrence la création et qu’il triomphe, provisoirement, de la mort. Une analyse détaillée des romans les plus célèbres montrerait, dans des perspectives chaque fois différentes, que l’essence du roman est dans cette correction perpétuelle, toujours dirigée dans le même sens, que l’artiste effectue sur sa propre expérience. Loin d’être morale ou purement formelle, cette correction vise d’abord à l’unité et traduit par là un besoin métaphysique. Le roman, à ce niveau, est d’abord un exercice de l’intelligence au service d’une sensibilité nostalgique ou révoltée. »

 

Lettres Modernes 1969 (hommes et femmes)

Commentez cette opinion d'Albert Camus : « L'art romanesque [...] ne peut ni consentir totalement au réel ni s'en écarter absolument. Le pur imaginaire n'existe pas et, si même il existait dans un roman idéal qui serait purement désincarné, il n'aurait pas de signification artistique, la première exigence de l'esprit, en quête d'unité, étant que cette unité soit communicable. D'un autre côté, l'unité du pur raisonnement est une fausse unité puisqu'elle ne s'appuie pas sur le réel. Le roman rose (ou noir), le roman édifiant s'écartent de l'art dans la mesure, petite ou grande, où ils désobéissent à cette loi. La vraie création romanesque, au contraire, utilise le réel et n'utilise que lui, avec sa chaleur et son sang, ses passions ou ses cris. Simplement elle y ajoute quelque chose qui le transfigure. »  Albert CAMUS, L'Homme révolté, La Pléiade, p. 672-673.

 

Lettres Modernes 1982

« Il n'y a qu'un seul sujet de roman : l'existence de l'homme dans la cité et la conscience qu'il prend des servitudes entraînées par le caractère social de cette existence. La nature et la portée d'un roman dépendent alors des rapports qu'il institue entre l'auteur, les personnages et le public. (...) Le roman se dégage sans doute du milieu collectif où il a pris naissance, dans la mesure où, oeuvre d'art, il aspire à trouver une forme. Comme récit au contraire, il y appartient profondément et y rentre pour ainsi dire. Il est un élément actif et vivant de la société, l'exprime pour une part et pour l’autre contribue à la transformer, indissolublement, mais en proportions variables, aveu et appel, représentation et volonté, peinture et dramaturgie, en un mot puissance qui modifie continuellement ses propres causes. » Roger CAILLOIS, Puissances du roman, (1941).

En vous appuyant sur des exemples précis, vous direz ce que vous pensez de ces réflexions.

 

Roman/poésie :

Lettres classiques

 Pierre Reverdy écrit dans son Bloc-Notes « 39-40 » : « En lisant un roman, le lecteur ravi devient imaginairement un autre ou les autres. Le poème l'émeut mais le laisse en lui-même et plus intensément lui-même ». Qu'en pensez-vous ?

 

Lettres modernes, 1992

C. Grivel écrit dans Production de l’intérêt romanesque (La Haye, Mouton, 1973, p. 318) : « Roman signifie exemplarisation. Le roman prouve. Il constitue un discours parabolique, illustratif, donne à souscrire à un sens. Raconter suppose la volonté d’enseigner, implique l’intention de dispenser une leçon, comme aussi celle de la rendre évidente. » Vous commenterez ces propos en vous appuyant sur des exemples précis.

 

1996 

À propos du roman, le romancier Pascal Quignard s'exprime en ces termes : « Il est l'autre de tous les genres, l'autre de la définition. Par rapport aux genres et à ce qui généralise, il est ce qui dégénère et qui dégénéralise. Là où il y a un toujours, mettez un parfois, là où il y a un tous, mettez un quelques, et vous commencez d'approcher le roman. » (Le Débat, n° 54, mars-avril 1989, p. 77-78.) Commentez et discutez.

 

Poésie/roman :

Lettres Modernes, 1998

Michel Butor écrit dans Répertoire II (Paris, les Editions de Minuit, 1964, « le Roman et la Poésie », p. 7) : « Etudiant, comme beaucoup, j’ai écrit quantité de poèmes. Ce n’était pas seulement distraction ou exercice ; j’y jouais ma vie. Or, du jour où j’ai commencé mon premier roman, des années durant, je n’ai plus rédigé un seul poème, parce que je voulais réserver pour le livre auquel je travaillais, tout ce que je pouvais avoir de capacité poétique ; et si je me suis mis au roman, c’est parce que j’avais rencontré dans cet apprentissage nombre de difficultés et de contradictions, et qu’en lisant divers grands romanciers, j’avais eu l’impression qu’il y avait là une charge poétique prodigieuse, que le roman, dans ses formes les plus hautes, pouvait être un moyen de résoudre, dépasser ces difficultés, qu’il était capable de recueillir out l’héritage de l’ancienne poésie. » En vous appuyant sur des exemples précis et variés, vous montrerez dans quelle mesure ce témoignage permet de caractériser le roman.

Théâtre/roman

Lettres Classiques 2000

Personnage de roman, personnage de théâtre.

 

Romanesque/tragédie :

Lettres modernes, 2000

Dans son ouvrage La Tentation d’exister, Cioran écrit : « Auprès du héros tragique, comblé par l’adversité, son bien de toujours, son patrimoine, le personnage romanesque apparaît comme un aspirant à la ruine, un gagne-petit de l’horreur, tout soucieux de se perdre, tout tremblant de n’y point réussir. Incertain de son désastre, il en souffre. Aucune nécessité dans sa mort. L’auteur, telle est notre impression, pourrait le sauver : ce qui nous donne un sentiment de malaise et nous gâche le plaisir de la lecture. La tragédie, elle, se déroule si j’ose dire, sur un plan absolu : l’auteur n’a aucune influence sur ses héros, il n’en est que le serviteur, l’instrument ; ce sont eux qui commandent, lui intiment de rédiger le procès verbal de leurs faits et gestes. » Vous analyserez et discuterez ce propos, en étayant votre argumentation sur des exemples précis.

 

Lettres Modernes, 2004

« Si le romancier veut atteindre l’objectif de son art, qui est de peindre la vie, il devra s’efforcer de rendre cette symphonie humaine où nous sommes tous engagés, où toutes les destinées se prolongent dans les autres et se compénètrent. Hélas ! il est à craindre que ceux qui cèdent à cette ambition, quel que soit leur talent ou même leur génie, n’aboutissent à un échec. Il y a je ne sais quoi de désespéré dans la tentative d’un Joyce. Je ne crois pas qu’aucun artiste réussisse jamais à surmonter la contradiction qui est inhérente à l’art du roman. D’une part, il a la prétention d’être la science de l’homme, — de l’homme, monde fourmillant qui dure et qui s’écoule, — et il ne sait qu’isoler de ce fourmillement et que fixer sous sa lentille une passion, une vertu, un vice qu’il amplifie démesurément : le père Goriot ou l’amour paternel, la cousine Bette ou la jalousie, le père Grandet ou l’avarice. D’autre part, le roman a la prétention de nous peindre la vie sociale, et il n’atteint jamais que des individus après avoir coupé la plupart des racines qui les rattachent au groupe. En un mot, dans l’individu, le romancier isole et immobilise une passion, et dans le groupe il isole et immobilise un individu. Et, ce faisant, on peut dire que ce peintre de la vie exprime le contraire de ce qu’est la vie : l’art du romancier est une faillite. » François Mauriac, Le romancier et ses personnages, (1933), in OEuvres romanesques et théâtrales complètes, tome II, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1979, p. 847-848. Vous analyserez et vous discuterez ces propos en vous appuyant sur des exemples précis.

 

Lettres classiques 2009

Vous commenterez et discuterez ce jugement d’Albert Camus dans L’Homme révolté (1951) en vous appuyant sur des exemples précis : « Qu’est-ce que le roman, en effet, sinon cet univers où l’action trouve sa forme, où les mots de la fin sont prononcés, les êtres livrés aux êtres, où toute vie prend le visage du destin. Le monde romanesque n’est que la correction de ce monde-ci, suivant le désir profond de l’homme. Car il s’agit bien du même monde. La souffrance est la même, le mensonge et l’amour. Les héros ont notre langage, nos faiblesses, nos forces. Leur univers n’est ni plus beau ni plus édifiant que le nôtre. Mais eux, du moins, courent jusqu’au bout de leur destin et il n’est même jamais de si bouleversants héros que ceux qui vont jusqu’à l’extrémité de leur passion, […]. »

 

roman et jugement moral

Lettres modernes et lettres classiques  2016 

« Suspendre le jugement moral ce n’est pas l’immoralité du roman, c’est sa morale. La morale qui s’oppose à l’indéracinable pratique humaine de juger tout de suite, sans cesse, et tout le monde, de juger avant et sans comprendre. Cette fervente disponibilité à juger est, du point de vue de la sagesse du roman, la plus détestable bêtise, le plus pernicieux mal. Non que le romancier conteste, dans l’absolu, la légitimité du jugement moral, mais il le renvoie au-delà du roman. Là, si cela vous chante, accusez Panurge, pour sa lâcheté, accusez Emma Bovary, accusez Rastignac, c’est votre affaire ; le romancier n’y peut rien. »

Milan Kundera, Les Testaments trahis, Gallimard, 1993.

Vous analyserez et discuterez ces propos en vous appuyant sur des exemples variés et précis.

 

grossièreté du roman

 

Lettres modernes 2014 (session exceptionnelle)

« Je ne puis croire au nécessaire triomphe du Roman. Sa formule est grossière par excellence et sa transsubstantiation médiocre. Il réclame de se développer. Il a besoin du temps. Il lui faut aligner toute une série de causes et d'effets, et il n'est même pas réversible. Comme un long fil d acier, il doit surtout faire preuve d'une ductilité grande (300 pages), et, pour ne pas se rompre, d'une considérable ténacité ».

(Victor SEGALEN, Sur une forme nouvelle du roman ou un nouveau contenu de l'essai,1910)

 

roman mensonge et vérité

Lettres modernes 2013 

"Un romancier (...) ne peut donc se délivrer du mensonge qu'en exploitant les ressources multiples du mensonge. (De cette origine - accession à la vérité par le détour du mensonge - l'oeuvre tire ses contradictions et ses ambiguïtés.) Quand il donne au mensonge un corps et s'approprie son langage, ce ne peut être qu'à seule fin d'instituer un monde de vérité. Autrement dit encore, le langage romanesque n'assure sa fonction qu'en recourant aux moyens dont se sert le mensonge, et c'est même, paradoxalement, la seule fonction qu'il puisse accomplir en toute vérité. "

Louis-René des FORÊTS, Voies et détours de la fiction, Fata Morgana, 1985.

Vous commenterez et discuterez ces propos à partir d'analyses précises de textes romanesques.

 

roman et romanesque 

Lettres classiques 2011

« Tout roman n'est pas nécessairement romanesque, et même certains de ses chefs d'oeuvre sont construits expressément contre le romanesque, considéré comme l'ennemi. Mais une des puissances vivantes, un des feux subtils et circulants du roman, c'est le romanesque pur, fait d'inattendu, de création et de commencement absolu. »

A.Thibaudet in Réflexions sur le roman

 

 

Le Théâtre

 

La comédie :

Lettres Modernes 1959

« Il y a trois ordres de choses. L’histoire, où le fait est donné ; la tragédie, où le poète ajoute à l’histoire ce qu’il imagine pouvoir en augmenter l’intérêt ; la comédie, où le poète invente tout. D’où l’on peut conclure que le poète comique est le poète par excellence. C’est lui qui fait. Il est, dans sa sphère, ce que l’Être tout puissant est dans la nature. C’est lui qui crée, qui tire du néant ; avec cette différence, que nous n’entrevoyons dans la nature qu’un enchaînement d’effets dont les causes nous sont inconnues ; au lieu que la marche du drame n’est jamais obscure ; et que, si le poète nous cache assez de ses ressorts pour nous piquer, il nous en laisse toujours apercevoir assez pour nous satisfaire. » Diderot, De la poésie dramatique, chapitre X. Pensez-vous que l’on puisse définir l’art de Molière d’après la définition que donne ici Diderot ? Vous choisirez une comédie de Molière qui vous servira de démonstration.

 

Lettres Classiques 1959 (femmes)

« Le héros de théâtre n'est pas intéressant seulement dans la mesure où il est obscur, mais dans ce qu'il a d'inaccessible et de surhumain. »

A l'aide de quelques exemples empruntés aux divers genres dramatiques, vous expliquerez et discuterez cette conception du héros que Louis Jouvet nous propose dans ses Témoignages sur le Théâtre.

 

Lettres Classiques 1966 (femmes)

Dans une conférence sur « L'avenir de la tragédie », A. Camus dit : « Dans la tragédie, chaque force est en même temps bonne et mauvaise... La formule tragique par excellence serait : « tous sont justifiables, personne n'est juste »... Sur une certaine limite, tout le monde a raison et celui qui, par aveuglement ou par passion, ignore cette limite, court à la catastrophe pour faire triompher un droit qu'il croit être le seul à avoir. Le thème constant de la tragédie antique est ainsi la limite qu'il ne faut pas dépasser... La tragédie idéale (et particulièrement la grecque), est d'abord tension puisqu'elle est l'opposition, dans une immobilité forcenée, de deux puissances, couvertes chacune des doubles masques du bien et du mal. »

Les tragédies antiques ou modernes que vous avez pu lire vous paraissent-elles justifier ces réflexions d'A. Camus ?

 

Lettres Classiques 1967 (hommes)

Le héros tragique, d'après le théâtre français du XVIIe siècle.

 

Lettres Classiques 1974

« L'ambition du théâtre est de créer des personnes : il ne crée que des personnages. [...] Mais le personnage de théâtre a l'air d’être une personne. [...] La suprême réussite du théâtre est dans la création paradoxale d'un personnage mystérieux comme une personne. » Henri GOUHIER, L'Essence du théâtre.

Expliquez et commentez ce jugement en vous fondant sur votre expérience personnelle des œuvres dramatiques.

 

Lettres Modernes 1975 (hommes et femmes)

Dans son livre Dionysos, apologie pour le théâtre paru en 1949, P.-A. Touchard étudie successivement : I. les origines; II. Les genres; III. L’atmosphère tragique. Le chapitre IV, consacré à « l'atmosphère comique », commence ainsi : « Nous n'aimons spontanément que nous-même et ne pouvons aimer les autres que comme nous-même. Ce mouvement par lequel je dois, pour l'aimer, me substituer à autrui, est le mouvement propre de la tragédie : s'il ne se produit pas, la seule condition essentielle à la naissance de l'atmosphère comique est réalisée. Dès le moment où le personnage sur scène ne me représente plus moi-même à l'instant que je vis, dès qu'il devient l'autre (et cet autre même qui est moi dans le passé ou dans l'avenir) la comédie peut s'épanouir. Son domaine est sans limite tant que je reste spectateur, tant que je ne me laisse pas prendre aux pièges de la charité, de la pitié ou de la crainte : elle ne court de dangers que par ses excès. Elle doit demeurer toujours en deçà de la frontière subtile et changeante qui sépare la cruauté de l'amour. Ces horizons sont étroitement soumis aux fluctuations de l'opinion ; c'est ainsi qu’aux régimes différents coïncident tour à tour, selon leur violence ou leur libéralisme, la comédie de caractère (la moins périlleuse), la comédie de mœurs, la comédie politique. Dans la comédie, il s'agit donc toujours d'un autre que moi ou d'un moi que je rejette. Le seul engagement possible y est celui qu'implique toute volonté de rupture. De ce caractère fondamental de l'atmosphère comique découlent tous les autres ». Quelles réflexions vous inspire ce texte ?

 

Le personnage :

Lettres Modernes 1963

« C’est pourquoi on ne peut dire que le personnage de théâtre soit plus ou moins libre que le personnage de roman, ni que seule l’action dramatique soit la représentation d’un conflit. Il y a lutte et conflit dans les deux cas : le personnage de roman lutte contre ses tendances, le personnage de théâtre lutte contre les autres ou contre une fatalité extérieure… Le personnage de roman est toujours un candidat à la névrose, et le roman n’est guère que le récit de l’évolution d’une névrose vers son paroxysme… Le personnage de théâtre est aussi un névrosé : mais il l’est au départ ; au moment où il se présente à nous, sa névrose est déjà établie, et elle se présente comme un élément constitutionnel de son caractère. Le personnage de roman s’asservit de plus en plus à sa névrose ; le personnage de théâtre cherche seulement à y asservir autrui. » P.A. Touchard, L’Amateur de théâtre. En vous appuyant sur un petit nombre d’exem. ples précis, dites dans quelle mesure il vous semble possible de souscrire à ce parallèle entre le personnage de théâtre et le personnage de roman.

 

1966 (Femmes)

Le secret particulier au « grand théâtre », a écrit A. Camus, c’est de se situer au carrefour « du familier et de l'inhumain ». Et il continue : « C'est par ce jour exclusif qu'il jette sur des passions bien humaines, qu'il s'éloigne le plus de la réalité. Et par un paradoxe émouvant et singulier, c'est avec des matériaux tirés du cœur de l'homme qu'il édifie ce monde à part, ce plateau merveilleux où les dieux, pour quelques heures, surgissent et parient. La solitude des grands sentiments, c'est le thème dramatique par excellence. Hamlet et Othello sont des spécialistes de la passion, si l'on entend par là qu'elle est leur exercice exclusif et que rien ne les touche plus de ce qui dans la vie quotidienne distrait l'homme de lui-même : entrer dans un restaurant ou changer de linge. Cette constante caricature de la passion explique peut-être quelques-uns des artifices dramatiques de tous les temps, ceux qui servent à exprimer un sentiment ou un personnage type : le masque grec, la stylisation du « No » japonais, les symboles eschyliens, Iago en face d'Othello, ou « l'invitus invitam »* qui résume toute une tragédie. Ainsi le plus élémentaire des arts, par sa simplicité même, peut devenir le plus lointain et le plus nostalgique. » A. CAMUS, Jean Giraudoux ou Byzance au théâtre (La Pléiade, tome II, Essais, p. 1406).

*Invitus invitam = malgré lui et malgré elle (Racine, préface de Bérénice). Commentez ce passage en vous demandant s'il n’existe de « grand théâtre » que dans les perspectives ouvertes par A. Camus.

 

1967 (Hommes)

« Qu'est-ce que la fatalité pour le Français ? Il n'admet qu'une de ses formes : la fatalité familiale. Casanier par nature, il préfère trouver à l'intérieur de sa propre famille les querelles que d'autres individus entretiennent avec les personnes divines ou infernales. Tout le dramatique français, tragédie et comédie, peut se contenter comme décor de la chambre à coucher et de la salle à manger, et l'Olympe français est la famille au complet réunie pour le repas autour de la table, ou devant le notaire pour la lecture du testament... En France, l'amour de la solitude, élément du tragique, ne vient pas du besoin d'une confrontation avec la nature : le solitaire n'est pas celui qui fuit ses semblables, mais celui qui fuit sa famille, ou soi-même, puisqu'il en est un élément. La plupart des pièces que nous considérons comme les chefs-d’œuvre tragiques ne sont que des débats et des querelles de famille. Ce que les critiques nous ont tous présenté chez Corneille comme des conflits entre l'amour et l'honneur, ne le sont, en vérité, qu'entre l'amour et le devoir familial. Au moment pathétique où Siegfried trouve devant lui les filles du Rhin, ou les géants, l'eau ou la terre, où Faust trouve Méphistophélès, le Cid trouve son père, Polyeucte sa femme, et Horace sa sœur ; si le conflit nous émeut moins dans Cinna, c'est que Cinna n'a affaire qu'avec son oncle, et la plus émouvante tragédie de Racine, la tragédie personnelle de son silence, est due aussi à des considérations de famille. » GIRAUDOUX, Bellac et la tragédie. Commentez cette opinion de Giraudoux en utilisant des exemples de votre choix, à l’exclusion de ceux qui sont cités dans le texte.

 

1970

Antoine Artaud, dans une lettre à Jean Paulhan (1932), écrit que « le théâtre doit s’égaler à la vie, non pas… à cet aspect individuel de la vie où triomphent les caractères, mais à une sorte de vie libérée, qui balaye l’individualité humaine ». Et il ajoute : « Créer des mythes, voilà le véritable objet du théâtre ». Que pensez-vous de cette conception ?

 

1983 Lettres Modernes 

« … Le théâtre se définit par la relation triangulaire qu’il met en oeuvre entre le personnage, l’auteur et le spectateur. De l’imaginaire à son inscription dans l’espace charnel de la scène, du champ de la mémoire collective à l’empire des signes, le chemin passe par la médiation du comédien, pris en charge à son tour par l’ordre général de la représentation : c’est là que le triangle se referme et que trouve son sens le cérémonial complexe du jeu. A la scène seulement, le personnage rencontre sa matérialité, le signe sa signification et la parole son destinataire ». R. Abirached, La Crise du théâtre dans le théâtre moderne, Grasset, 1978, p. 8-9. Vous analyserez et commenterez ces réflexions en vous appuyant sur des exemples précis.

 

Lettres classiques 1988

Dans un article intitulé « Le théâtre et la cruauté », Antonin ARTAUD définit sa conception du théâtre : « Nous voulons faire du théâtre une réalité à laquelle on puisse croire, et qui contienne pour le cœur et les sens cette espèce de morsure concrète que comporte toute sensation vraie. De même que nos rêves agissent sur nous et que la réalité agit sur nos rêves, nous pensons qu'on peut identifier les images de la poésie à un rêve, qui sera efficace dans la mesure où il sera jeté avec la violence qu'il faut. Et le public croira aux rêves du théâtre à condition qu'il les prenne vraiment pour des rêves et non pour le calque de la réalité ; à condition qu'ils lui permettent de libérer en lui cette liberté magique du songe qu'il ne peut reconnaître qu'empreinte de terreur et de cruauté. » (Le Théâtre et son Double, 1938.) En vous appuyant sur des exemples précis, dites ce que vous pensez de ces propos.

 

Lettres modernes, 1990

P. Larthomas écrit dans Le Langage dramatique (Paris, PUF, 1972, p. 433-434) : « L’erreur fondamentale à nos yeux a consisté surtout à distinguer au cours des siècles, tout au moins en France, la comédie et la tragédie, ou, de façon plus large, les pièces qui font rire et celles qui font pleurer. Non que cette distinction ne soit pas, dans une certaine mesure, naturelle, puisqu’elle tient compte avant tout des réactions du public et différencie, à partir d’elles, les procédés qui les provoquent ; non qu’elle ne soit pas pardonnable, puisque vénérable et appuyée par une tradition mythologique (Thalie et Melpomène), l’autorité d’Aristote et de combien d’autres. Mais enfin elle n’est pas essentielle, et n’étant pas essentielle, elle s’est révélée dangereuse : on a plus été préoccupé de marquer entre la tragédie et la comédie des oppositions qui allaient de soi, que de souligner les points communs qui font que toutes les oeuvres dramatiques, qu’il s’agisse d’Athalie ou des Fourberies de Scapin, ont les mêmes caractères fondamentaux. ” En vous référant à des exemples précis, vous commenterez et discuterez ces réflexions.

 

Théâtre/roman :

Lettres Classiques 2000

Personnage de roman, personnage de théâtre.

 

Romanesque/tragédie :

Lettres modernes, 2000

Dans son ouvrage La Tentation d’exister, Cioran écrit : « Auprès du héros tragique, comblé par l’adversité, son bien de toujours, son patrimoine, le personnage romanesque apparaît comme un aspirant à la ruine, un gagne-petit de l’horreur, tout soucieux de se perdre, tout tremblant de n’y point réussir. Incertain de son désastre, il en souffre. Aucune nécessité dans sa mort. L’auteur, telle est notre impression, pourrait le sauver : ce qui nous donne un sentiment de malaise et nous gâche le plaisir de la lecture. La tragédie, elle, se déroule si j’ose dire, sur un plan absolu : l’auteur n’a aucune influence sur ses héros, il n’en est que le serviteur, l’instrument ; ce sont eux qui commandent, lui intiment de rédiger le procès verbal de leurs faits et gestes. » Vous analyserez et discuterez ce propos, en étayant votre argumentation sur des exemples précis.

 

Lettres classiques 2001 

« On sait que les comédies ne sont faites que pour être jouées ; et je ne conseille de lire celle-ci qu'aux personnes qui ont des yeux pour découvrir, dans la lecture, tout le jeu du théâtre. » Que pensez-vous de cette affirmation ? Vous appuierez votre réflexion sur des exemples précis.

 

Lettres Modernes, 2003

Examinant les rapports du texte et de la scène, Bernard Dort écrit : « Aussi les plus grands textes de théâtre, ceux qui ont suscité, à travers les âges, le plus d’interprétations scéniques, et les plus différentes entre elles, sont-ils ceux, qui, à la lecture, nous semblent les plus problématiques. Complexes au point de paraître presque incohérents. Foisonnants à la limite du désordre. Un texte clos sur lui-même, qui contient expressément une réponse aux questions qui y sont formulées, a peu de chances d’être jamais repris. C’est le sort des pièces à thèse. En revanche, un texte ouvert, qui ne répond aux questions que par de nouvelles questions et qui prend délibérément le parti de son propre inachèvement, a toutes les chances de durer. C’est qu’il fait appel à la scène, qu’il la provoque et qu’il a besoin d’elle pour prendre consistance ». « Le texte et la scène, pour une nouvelle alliance » in Le Spectateur en dialogue, P.O.L. éditeur, 1995, p. 263 (première parution 1984 dans le « Supplément II » de l’Encyclopedia Universalis).

 

Lettres Modernes 2006

« Les grandes oeuvres du théâtre sont toujours des oeuvres subversives qui mettent en cause l'ensemble des croyances, des idées, des modèles, l'image de l'homme, d'une société et d'une civilisation. Certes, avec le temps, les histoires de la littérature effacent ce conflit ou du moins feignent de l'ignorer, pressées qu'elles sont de tranquilliser le lecteur en présentant des oeuvres dans la suite apaisante d'une histoire et d'un déroulement. Mais à l'origine, toute grande oeuvre, même si elle ne s'affirme pas complètement, frappe, gêne, révolte. » Jean Duvignaud et Jean Lagoutte, Le Théâtre contemporain, Culture et contre-culture, Paris, Larousse, 1974. En vous appuyant sur des exemples précis, vous analyserez et discuterez ces réflexions sur le genre théâtral.

 

Lettres classiques 2007

Dans un article de 1967 sur Jean Genet, repris dans Théâtres (seuil 1986), Bernard Dort écrit, d’une manière plus générale : « Le théâtre ne peut que trahir la réalité – au double sens de ce mot. Il la cache dans la mesure où il ne saurait être autre que théâtre, c’est-à-dire un jeu d’images tournées vers le spectateur et lui renvoyant ses propres phantasmes. Il la révèle, car, en fin de compte, il se dénonce lui-même comme théâtre : il ne sait que répéter les mêmes mots, les mêmes gestes, en une cérémonie poussée jusqu’à l’absurde ».

Vous commenterez et discuterez cette affirmation, en vous appuyant sur des exemples pris dans des œuvres théâtrales d’auteurs variés.

 

théâtre et conventions 

Lettres modernes et lettres classiques 2015 

« Un théâtre sans convention n'a pas d'espoir. La convention c'est cette pure entrée dans l'imaginaire, sans les antichambres de l'intelligence, les salons mondains de l'élégance, etc. Le public populaire se saisit toujours plus vite d'une convention que le public savant (lequel voudrait inlassablement de la vraisemblance, de la logique psychologique, de la profondeur, de la dialectique, du parlé vrai, tout ce qui tente de se soustraite à l'architecture des conventions théâtrales).

Le public enfantin des guignols joue avec les conventions du genre comme peu de critiques savent le faire. Car il s'agit non pas de juger l'oeuvre mais de jouer avec, de se jouer, de faire jouer son imaginaire, d'utiliser les conventions théâtrales pour animer son jardin intérieur. »

Olivier Py, Les Mille et une définitions du théâtre, Actes Sud, 2013.

Vous analyserez et discuterez ces propos en vous appuyant sur des exemples précis empruntés à votre culture théâtrale.

 

théâtre et langage 

Lettres modernes 2011

Dans son article "Expérience du théâtre" (1948), Eugène Ionesco affirme :

«...le théâtre a une façon propre d'utiliser la parole, c'est le dialogue, c'est la parole de combat, de conflit. Si elle n'est que discussion chez certains auteurs, c'est une grande faute de leur part. Il existe d'autres moyens de théâtraliser la parole : en la portant à son paroxysme, pour donner au théâtre sa vraie mesure, qui est dans la démesure ; le verbe lui-même doit être tendu jusqu'à ses limites ultimes, le langage doit presque exploser, ou se détruire, dans son impossibilité de contenir les significations." 

 

 

L’autobiographie, le journal

 

Lettres Classiques 1962 (femmes)

Quelles réflexions vous suggère cette pensée d'Alfred de Vigny : « Le mot de la langue le plus difficile à prononcer et à placer convenablement, c'est moi » (Journal d'un poète.)

 

Lettres Classiques 1970

Dans quelle mesure pouvez-vous, en vous recourant à des exemples précis, souscrire à ces réflexions de Paul Valéry : « Les auteurs de Confessions ou de Souvenirs ou de Journaux intimes sont invariablement les dupes de leur espoir de choquer ; et nous, dupes de ces dupes. Ce n’est jamais soi-même que l'on veut exhiber tel quel ; on sait bien qu'une personne réelle n'a pas grand'chose à nous apprendre sur ce qu'elle est [...]. La confidence toujours songe à la gloire, au scandale, à l'excuse, à la propagande. »

Variété II, « Stendhal ». (Texte publié en 1927.)

 

Lettres Modernes 1986

Roland Barthes, au cours d’une réflexion sur l’inanité et la valeur de l’écriture, exprime son hésitation à tenir un journal : « Inessentiel, peu sûr, le journal est de plus inauthentique. Je ne veux pas dire par là que celui qui s’y exprime n’est pas sincère. Je veux dire que sa forme même ne peut être empruntée qu’à une Forme antécédente et immobile (celle précisément du Journal intime) qu’on ne peut subvertir. Ecrivant mon Journal, je suis, par statut, condamné à la simulation. Double simulation, même : car toute émotion étant copie de la même émotion qu’on a lue quelque part, rapporter une humeur dans le langage codé du Relevé d’Humeurs, c’est copier une copie ; même si le texte était « original », il serait déjà copie ; à plus forte raison s’il est usé : « L’écrivain, de ses maux, dragons qu’il a choyés, ou d’une allégresse, doit s’instituer, au texte, spirituel histrion » (Mallarmé). Quel paradoxe ! En choisissant la forme d’écriture la plus « directe », la plus « spontanée », je me retrouve le plus grossier des « histrions. » Roland Barthes, Le Bruissement de la langue (1984).

En réfléchissant précisément sur la forme du Journal que vous situerez par rapport à d’autres formes d’écriture, vous direz quels commentaires vous semblent appeler ces réflexions de Roland Barthes.

 

Lettres Classiques 1999

Adoptant le point de vue d'un de ses personnages, André Malraux écrit dans La Condition humaine : « Ce n'était ni vrai, ni faux, mais vécu. » Cette phrase vous semble-t-elle de nature à éclairer le débat sur l’œuvre autobiographique sous ses diverses formes ? Vous répondrez à cette question en étayant votre argumentation d'exemples précis.

 

Lettres Modernes 2005

« Avec des mots si j'essaie de recomposer mon attitude d'alors, le lecteur ne sera pas dupe plus que moi. Nous savons que notre langage est incapable de rappeler même le reflet de ces états défunts, étrangers. Il en serait de même pour tout ce journal s'il devait être la notation de qui je fus. Je préciserai donc qu'il doit renseigner sur qui je suis, aujourd'hui que je l'écris. Il n’est pas une recherche du temps passé, mais une oeuvre d’art dont la matière-prétexte est ma vie d'autrefois. Il sera un présent fixé à l'aide du passé, non l'inverse. Qu'on sache donc que les faits furent ce que je les dis, mais l'interprétation que j'en tire c'est ce que je suis devenu. » Jean GENET, Journal du voleur (1949) [Gallimard, coll. Folio, 1982, pp. 79-80] En vous appuyant sur des exemples précis, vous analyserez et discuterez ces réflexions sur l’écriture autobiographique.

 

autobiographie ? rapport de l’auteur avec le monde : regarder en soi pour voir le monde 

 

Lettres modernes 2014 

 Évoquant sa propre vie en utilisant une énonciation à la troisième personne, Annie Ernaux écrit :

« Ce que ce monde a imprimé en elle et ses contemporains, elle s’en servira pour reconstituer un temps commun, celui qui a glissé d’il y a si longtemps à aujourd’hui – pour, en retrouvant la mémoire de la mémoire collective dans une mémoire individuelle, rendre la dimension vécue de l’Histoire.

Ce ne sera pas un travail de remémoration, tel qu’on l’entend généralement, visant à la mise en récit d’une vie, à une explication de soi. Elle ne regardera en elle-même que pour y retrouver le monde […] » (Annie Ernaux, Les Années, 2008)

Vous analyserez et discuterez ces propos en vous appuyant sur des exemples précis empruntés à vos lectures.

 

 

Relations entre les formes

 

Théâtre/roman (au niveau du personnage) :

1963

« C’est pourquoi on ne peut dire que le personnage de théâtre soit plus ou moins libre que le personnage de roman, ni que seule l’action dramatique soit la représentation d’un conflit. Il y a lutte et conflit dans les deux cas : le personnage de roman lutte contre ses tendances, le personnage de théâtre lutte contre les autres ou contre une fatalité extérieure… Le personnage de roman est toujours un candidat à la névrose, et le roman n’est guère que le récit de l’évolution d’une névrose vers son paroxysme… Le personnage de théâtre est aussi un névrosé : mais il l’est au départ ; au moment où il se présente à nous, sa névrose est déjà établie, et elle se présente comme un élément constitutionnel de son caractère. Le personnage de roman s’asservit de plus en plus à sa névrose ; le personnage de théâtre cherche seulement à y asservir autrui ». P.A. Touchard, L’Amateur de théâtre. En vous appuyant sur un petit nombre d’exemples précis, dites dans quelle mesure il vous semble possible de souscrire à ce parallèle entre le personnage de théâtre et le personnage de roman.

 

Prose/poésie :

1976 Lettres Modernes

Quelles réflexions vous suggèrent ces remarques d’un écrivain du XIXe siècle ? Vous exposerez votre opinion en l’étayant d’exemples précis : « Il est difficile de devenir un bon prosateur si l’on n’a pas été poète – ce qui ne signifie pas que tout poète puisse devenir un prosateur. Mais comment s’expliquer la séparation qui s’établit presque toujours entre deux talents ? Il est rare qu’on les accorde tous les deux au même écrivain : du moins, l’un prédomine l’autre. » [Il s’agissait d’un propos de Gérard de Nerval]

 

Lettres Classiques

Un personnage des Faux-Monnayeurs, d'André Gide (1925), exposant sa conception du genre romanesque et constatant que le roman s'est toujours « craintivement cramponné à la réalité », s'exprime ainsi : « Il n'a jamais connu, le roman, cette « formidable érosion des contours » dont parle Nietzsche, ce volontaire écartement de la vie, qui permirent le style, aux oeuvres des dramaturges grecs par exemple, ou aux tragédies du XVIIè siècle français. Connaissez-vous rien de plus parfait et de plus profondément humain que ces œuvres ? Mais précisément cela n'est humain que profondément ; cela ne se pique pas de le paraître, ou du moins de paraître réel. Cela demeure une oeuvre d'art. » Quels rapports l'étude des oeuvres littéraires de tout genre vous conduit-elle à établir entre le « réel », l' « humain », le « style », et « l’œuvre d'art » ?

 

Roman/poésie :

Lettres classiques

 Pierre Reverdy écrit dans son Bloc-Notes « 39-40 » : « En lisant un roman, le lecteur ravi devient imaginairement un autre ou les autres. Le poème l'émeut mais le laisse en lui-même et plus intensément lui-même ». Qu'en pensez-vous ?

 

Poésie/roman :

Lettres Modernes, 1998

Michel Butor écrit dans Répertoire II (Paris, les Editions de Minuit, 1964, « le Roman et la Poésie », p. 7) : « Etudiant, comme beaucoup, j’ai écrit quantité de poèmes. Ce n’était pas seulement distraction ou exercice ; j’y jouais ma vie. Or, du jour où j’ai commencé mon premier roman, des années durant, je n’ai plus rédigé un seul poème, parce que je voulais réserver pour le livre auquel je travaillais, tout ce que je pouvais avoir de capacité poétique ; et si je me suis mis au roman, c’est parce que j’avais rencontré dans cet apprentissage nombre de difficultés et de contradictions, et qu’en lisant divers grands romanciers, j’avais eu l’impression qu’il y avait là une charge poétique prodigieuse, que le roman, dans ses formes les plus hautes, pouvait être un moyen de résoudre, dépasser ces difficultés, qu’il était capable de recueillir out l’héritage de l’ancienne poésie. » En vous appuyant sur des exemples précis et variés, vous montrerez dans quelle mesure ce témoignage permet de caractériser le roman.

 

 

Romanesque/tragédie :

Lettres modernes, 2000

Dans son ouvrage La Tentation d’exister, Cioran écrit : « Auprès du héros tragique, comblé par l’adversité, son bien de toujours, son patrimoine, le personnage romanesque apparaît comme un aspirant à la ruine, un gagne-petit de l’horreur, tout soucieux de se perdre, tout tremblant de n’y point réussir. Incertain de son désastre, il en souffre. Aucune nécessité dans sa mort. L’auteur, telle est notre impression, pourrait le sauver : ce qui nous donne un sentiment de malaise et nous gâche le plaisir de la lecture. La tragédie, elle, se déroule si j’ose dire, sur un plan absolu : l’auteur n’a aucune influence sur ses héros, il n’en est que le serviteur, l’instrument ; ce sont eux qui commandent, lui intiment de rédiger le procès verbal de leurs faits et gestes. » Vous analyserez et discuterez ce propos, en étayant votre argumentation sur des exemples précis.

 

Lettres Modernes, 2002

« On entend tous les jours, à propos de productions littéraires, parler de la dignité de tel genre, des convenances de tel autre, des limites de celui-ci, des latitudes de celui-là ; la tragédie interdit ce que le roman permet ; la chanson tolère ce que l’ode défend, etc. L’auteur de ce livre a le malheur de ne rien comprendre à tout cela ; il y cherche des choses et n’y voit que des mots ; il lui semble que ce qui est réellement beau et vrai, est beau et vrai partout ; que ce qui est dramatique dans un roman sera dramatique sur la scène ; que ce qui est lyrique dans un couplet sera lyrique dans une strophe ; qu’enfin et toujours la seule distinction véritable dans les oeuvres de l’esprit est celle du bon ou du mauvais. » Victor HUGO, « Préface » des Odes et Ballades (1826), Coll. L’Intégrale, tome I, éditions du Seuil, p. 85.

 

Mouvements, courants, histoire littéraire

 

Lettres Classiques 1963 (hommes)

Nietzsche, qui fut grand lecteur des moralistes français, aimait, disait-il, leur loyauté. On évoque ainsi Montaigne, Pascal, La Rochefoucauld, La Bruyère, Vauvenargues, Joubert... A travers la diversité de leurs génies et de leurs tempéraments, on peut de fait reconnaître chez de tels écrivains des voies, et pour ainsi dire des méthodes qui les associent. Il y a chez tous un soin de pénétration, de définition à l'endroit des hommes et des mœurs.

Sans pour autant méconnaître les éléments qui donnent à chacun son originalité, vous essaierez de distinguer ce qui naturellement assemble ces moralistes français.

NOTE. - Vous pouvez vous en tenir aux écrivains nommés plus haut ou à certains d'entre eux. Mais il vous est loisible, si vous le jugez bon, de considérer aussi des écrivains postérieurs, et même au-delà de l'époque où Nietzsche écrivait.

 

Lettres Classiques 1969

Les écrivains français des XVIIe et XVIIIe siècles se sont souvent réclamés de la « raison ». Vous direz, en vous appuyant sur des références précises empruntées à quelques grandes oeuvres de ces deux siècles, quelles nuances ou quelles différences de sens présente, selon vous, cette notion de « raison ».

 

Lettres Classiques 1967 (femmes)

« Les choses ! Les choses ! Je ne répéterai jamais assez que nous donnons trop de pouvoir aux mots. » Cette attitude de Rousseau vous semble-t-elle conforme à l’esprit de son temps ?

 

Lettres classiques 1986

« Le réalisme et le naturalisme, au théâtre comme dans le roman, sont des mouvements littéraires ou philosophico-littéraires, des conventions, des styles, tout comme le romantisme ou le surréalisme. La distinction n'est pas entre réalité et illusion, mais entre des conceptions différentes -de la réalité, entre des modes différents d'illusions. » R. WELLEK et A. WARREN, La théorie littéraire. Commentez ce point de vue en appuyant votre argumentation sur des exemples précis.

 

Lettres classiques, 1989

Qu’est-ce qu’un classique ?

 

Lettres Modernes, 1995

G. Gusdorf écrit dans Le Romantisme, éd. Payot et Rivages, 1982, rééd. 1993, p. 46 : « Constante de culture, le romantisme apparaît comme une catégorie transhistorique, irradiant l’histoire culturelle dans l’ensemble de son devenir. Il ne s’agit pas d’une mode littéraire qui aurait régné dans la première partie du XIXe siècle ; conception absurde ; car il n’y a pas eu d’année zéro du romantisme, ni d’année terminale. Le romantisme a existé au présent, dans un moment historique ; mais il s’est projeté dans le passé médiéval et renaissant, et il n’a pas cessé de susciter dans le futur des hommes et des œuvres en lesquels revivait son esprit. » Vous commenterez et discuterez cette prise de position, en appuyant votre réflexion sur des exemples précis.

 

La création

 

Mémoire et création :

1954 [Ancien régime]

Chateaubriand écrit dans le Génie du christianisme (II, 1, 3è éd. Furnes, 1834, p. 84) : « Nous sommes persuadés que les grands écrivains ont mis leur histoire dans leurs ouvrages : on ne peint bien que son propre cœur en l’attribuant à un autre et la meilleure partie du génie se compose de souvenirs. » Vous montrerez l’intérêt et la portée de ces réflexions. Vous paraissent-elles également applicables à tous les genres ? La création littéraire ne vous semble-t-elle pas comporter aussi d’autres démarches que Chateaubriand n’envisage pas ici ?

 

 

Les influences :

1954 [Nouveau régime]

Quelles réflexions vous inspirent ces lignes d’André Gide ? : « On l’a déjà : les influences agissent par ressemblances. On les a comparées à des sortes de miroirs qui nous montreraient, non point ce que nous sommes déjà effectivement, mais ce que nous sommes d’une façon latente. Ce frère intérieur que tu n’es pas encore Disait Henri de Régnier. – Je les comparerai plus précisément à ce prince d’une pièce de Maeterlinck, qui vient réveiller des princesses. Combien de sommeillantes princesses nous portons en nous, ignorées, attendant qu’un contact, qu’un accord, qu’un mot les réveille ? » « De l’Influence en Littérature », conférence faite à Bruxelles le 29 mars 1900, p. 14-15.

 

Résistance de l’œuvre (personnage) :

Lettres Modernes 1955

« Lorsque l’un de mes héros avance docilement dans la direction que je lui ai assignée, lorsqu’il accomplit toutes les étapes fixées par moi, et fait tous les gestes que j’attendais de lui, je m’inquiète : cette soumission à mes desseins prouve qu’il n’a pas de vie propre, qu’il ne s’est pas détaché de moi, qu’il demeure enfin une entité, une abstraction ; je ne suis content de mon travail que lorsque ma créature me résiste, lorsqu’elle se cabre devant les actions que j’avais résolu de lui faire commettre. » Comment concevez-vous, d’après ces réflexions de M. François Mauriac, la démarche de création littéraire dans le domaine du roman ?

 

Moi social et moi créateur :

Lettres modernes 1956

Quelles réflexions vous inspirent ce jugement de Marcel Proust ? : « La fameuse méthode qui fait de Sainte-Beuve, selon Taine, selon Paul Bourget et tant d’autres, le maître inégalable de la critique du XIXe, cette méthode, qui consiste à ne pas séparer l’homme et l’œuvre, à considérer qu’il n’est pas indifférent pour juger de l’auteur d’un livre d’avoir répondu aux questions qui paraissent les plus étrangères à son oeuvre… à s’entourer de tous les renseignements possibles sur un écrivain, à collationner ses correspondances, à interroger les hommes qui l’ont connu, en causant avec eux s’ils vivent encore, en lisant ce qu’ils ont pu écrire sur lui s’ils sont morts, cette méthode méconnaît ce qu’une fréquentation un peu profonde avec nous-même nous apprend : qu’un livre est le produit d’un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices. Ce moi-là, si nous voulons essayer de le comprendre, c’est au fond de nous-même, en essayant de le recréer en nous, que nous pouvons y parvenir ». Contre Sainte-Beuve, p. 136-137

 

 

Style et vision du monde :

Lettres Classiques 1960 (hommes)

Dans sa Préface â la Bible d'Amiens, traduction de Ruskin (1904), Marcel Proust note que « le fond des idées »(1) est toujours dans un écrivain l'apparence et la forme (1) la réalité ». II écrit ailleurs : « Le style n'est nullement un enjolivement, comme croient certaines personnes, ce n'est même pas une question de technique, c'est comme la couleur chez les peintres, une qualité de vision, une révélation de l'univers particulier que chacun de nous voit et que ne voient pas les autres. Le plaisir que nous donne un artiste, c'est de nous faire connaître un univers de plus. » (Lettre à Antoine Bibesco.)

De ces lignes ressort l'idée que le style est l'élément constitutif essentiel de l'univers d'un écrivain. Dans l'éclairage des textes cités vous étudierez- en gardant votre liberté de discussion - le thème qu'ils vous proposent. Toute latitude vous est laissée pour le choix de vos exemples.

(1) C'est nous qui soulignons.

 

 

Considération du lecteur dans la création :

Lettres Classiques 1961 (femmes)

Critiquant un ouvrage de Wells, André Gide lui reproche de s'adresser alternativement à des personnes trop différentes : « Il y a, dit-il, dans ce livre des pages qui ne peuvent amuser que des enfants, des gens neufs ; d'autres pages pour plaire aux vieux avertis que nous sommes, mais qui rebuteront les premiers ; d'autres enfin où il ne semble amuser que je ne sais quel autre lui-même... » Et ces réflexions l'ont conduit à formuler une loi de l’œuvre d'art : « Aux fameuses trois unités, volontiers j'ajouterais une quatrième : l'unité du spectateur. Elle impliquerait qu'il importe que, pièce ou livre, la création poétique s'adresse, d'un bout à l'autre de sa durée, au même lecteur ou auditeur. »

Expliquez, commentez et, le cas échéant, discutez à l'aide d'exemples précis cette exigence artistique de l'unité du spectateur ou du lecteur.

 

Tristesse et création :

Lettres Classiques 1963 (femmes)

Quelles réflexions vous suggère cette page d'André GIDE (Nouvelles Nourritures) :

« Notre littérature, et singulièrement la romantique, a louangé, cultivé, propagé la tristesse ; et non point cette tristesse active et résolue qui précipite l'homme aux actions les plus glorieuses, mais une sorte d'état flasque de l'âme, qu'on appelait mélancolie, qui pâlissait avantageusement le front du poète et chargeait de nostalgie son regard. Il entrait là-dedans de la mode et de la complaisance. La joie paraissait vulgaire, signe d'une trop bonne et bête santé ; et le rire faisait grimacer le visage. La tristesse se réservait le privilège de la spiritualité, et, partant, de la profondeur. Pour moi qui toujours préférai Bach et Mozart à Beethoven, je tiens pour impie le vers de Musset tant prôné : « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux » et n'admets pas que l'homme sous les coups de l'adversité se laisse abattre. »

 

Création et goût :

Lettres Classiques 1964 (hommes)

« L'art doit être hors du goût, et les trois quarts de ceux qui aiment l'art ne se préoccupent que du goût. »

A cette affirmation d'Apollinaire (Tendre comme le Souvenir, 5 octobre 1915), fait écho cette réflexion d'Alain : « Le goût, tant vanté, se manifeste dans l'histoire des arts par une suite d'erreurs incroyables, qui viennent toutes de chercher à plaire et de rassembler ce qui plaît. » (Propos de littérature, XXXIL)

Il donne comme exemples de ces erreurs les tragédies de Voltaire, les poèmes de l'abbé Delille, et « les moulures qui ornent la salle de notre Opéra. Par opposition à quoi l'on comprend qu'un mur pélasgique, tout nu, et fait de pierres non cimentées, peut saisir tout un homme et l'arrêter... » (ibid.)

Dans ce procès, toujours pendant, du goût (en particulier dans la création littéraire) choisiriez-vous d'occuper le siège du ministère public ou de l'avocat ? Bien entendu, celui du juge, qui arbitre le débat, n'est pas exclu.

 

Œuvre de circonstance VS œuvre intempestive :

Lettres Classiques 1965 (hommes)

Goethe a dit que les grandes oeuvres étaient des oeuvres de circonstances, et Montherlant écrit dans ses Carnets : « Il ne faut pas qu'un écrivain s'intéresse trop à son époque, sous peine de faire des oeuvres qui n'intéressent que son époque. »

Qu'en pensez-vous ?

 

Relation auteur et œuvre :

Lettres Modernes 1965 (Hommes

 Sans vous interroger sur l'époque, ni sur l'auteur, ni sur les raisons qu’il pouvait avoir de soutenir cette position, examinez, dans une réflexion suivie qui s'appuie constamment sur l’analyse d'exemples choisis dans notre littérature, ces extraits de la préface de Frédéric, roman de Joseph Fiévée, publié en 1799 : « L'idée généralement reçue qu'un homme se peint dans ses écrits est une erreur accréditée par les écrivains médiocre. On entend dire partout : « L'auteur de tel ou tel ouvrage doit avoir une âme bien sensible. » Aussi voyons-nous dans les romans nouveaux des voleurs qui ne manquent pas de probité, des assassins qui sont philanthropes, et des scélérats qui versent des larmes de sensibilité. On brise tous les caractères pour faire ressortir le sien : on croit donner la mesure de son cœur, on ne donne que celle de son talent ; et presque toujours la mesure est petite. « Un romancier et un auteur dramatique sont des peintres : ce n'est pas ce qu'ils sentent qu'ils doivent exprimer ; c'est ce qui existe (...). On n'imagine ni ne compose un personnage, et (...) quand on veut le présenter, on ne se met pas à sa place ; on le pose devant soi, et on le peint. Lorsque Vernet dessinait une tempête, il ne se mettait pas plus à sa place qu'Isabey ne se met à la mienne quand il fait mon portrait (...). Cherchons la sensation que doit éprouver un auteur en travaillant. Je soutiens qu'on peut bâiller en peignant des caractères honnêtes, frapper du pied en faisant l'apologie de la patience, sourire à l'attitude d'un sot, et se réjouir en saisissant la figure d'un scélérat. Le plaisir n'est dans l'ouvrage, tant qu'on travaille, qu'autant que l'exécution répond à nos désirs (...). Si le public voulait perdre l'habitude de juger la moralité d'un écrivain par ses ouvrages, cela nous débarrasserait peut-être des phrases à contresens sur la sensibilité et d'apologies bien dangereuses de la morale et de la vertu. »

 

Agir sur les esprits :

Lettres Classiques 1966 (hommes)

« Pour douer notre littérature d'une action efficace, il fallait trouver le secret de l'action sur les esprits : ce secret est la clarté. Comprenons ce mot : il faut évidemment le soustraire à des interprétations grossièrement faciles. Paul Valéry a insisté souvent sur le fait que de nombreuses gens la confondent avec leur propre paresse d'esprit. II ne s'agit pas d'être compris par les distraits. La clarté de Racine n'est qu'une apparence ; je défie un lecteur moyen d'expliquer tout ce que dissimule un discours de Mithridate ou d'Athalie derrière des mots simples et bien choisis, mais chargés d'allusions, de subtilités, de mensonges, de pièges, de dessous psychologiques. La clarté française n'est pas l'évidence ; elle est le résultat d'une forme d'esprit qui demande à chaque expression de représenter un objet défini : je veux dire d'éluder toute équivoque [...] En France, pas de halo autour des mots, pas d'aura qui influence mystiquement le lecteur. S'il y a mystère, il est fait de la contexture même de la phrase et de l'impression diffusée par le choix des termes, le rythme du discours, non du prolongement vague des substantifs et des épithètes. Cela n'a empêché ni Maynard, ni Chateaubriand, ni Lautréamont, ni Verlaine, ni Loti de répandre un mystère aussi grand que celui des plus illustres maîtres du mystère à l'étranger. » Edmond JALOUX, Introduction à l'histoire de la littérature française (Préface)

Vous commenterez et, éventuellement, vous discuterez ces réflexions. (Il va de soi que vous pourrez utiliser d'autres exemples que ceux qui sont invoqués par l'auteur).

 

Le goût :

1971

Peut-on parler de faute de goût en littérature ?

 

Le style :

1972 

« Le style est presque au-delà [de la Littérature] : des images, un débit, un lexique naissent du corps et du passé de l’écrivain et deviennent peu à peu les automatismes mêmes de son art. Ainsi sous le nom de style, se forme un langage autarcique qui ne plonge que dans la mythologie personnelle et secrète de l'auteur... où se forme le premier couple des mots et des choses, où s'installent une fois pour toutes les grands thèmes verbaux de son existence. Quel que soit son raffinement, le style a toujours quelque chose de brut : il est une forme sans destination, il est le produit d'une poussée, non d'une intention, il est comme une dimension verticale et solitaire de la pensée. [...] Le style est proprement un phénomène d'ordre germinatif, il est la transmutation d'une humeur. [...] Le miracle de cette transmutation fait du style une sorte d'opération supralittéraire, qui emporte l'homme au seuil de la puissance et de la magie. Par son origine biologique, le style se situe hors de l'art, c'est-à-dire hors du pacte qui lie l'écrivain à la société. On peut donc imaginer des auteurs qui préfèrent la sécurité de l'art à la solitude du style. » R. BARTHES, Le degré zéro de l’écriture, chap. I. Par une analyse de ce texte, vous dégagerez la conception du style que propose R Barthes et vous l'apprécierez en vous référant à des exemples littéraires.

 

Création/tradition :

Lettres classiques

« On doit en finir avec cette idée des chefs-d’œuvre réservés à une soi-disant élite, et que la foule ne comprend pas. [...] Les chefs-d’œuvre du passé sont bons pour le passé : ils ne sont pas bons pour nous. Nous avons le droit de dire ce qui a été dit et même ce qui n'a pas été dit d'une façon qui nous appartienne, qui soit immédiate, directe, réponde aux façons de sentir actuelles, et que tout le monde comprendra. » A. ARTAUD, Le théâtre et son double. Quelles réflexions vous inspirent ces affirmations ?

 

Influence/originalité :

Lettres classiques

« Les artistes les plus originaux ne sont pas nécessairement les plus incultes. Si rare et Si hardie que soit une pensée, il ne se peut qu'elle ne s'apparente à quelque autre ; et plus grande est la solitude d'un artiste dans son époque, plus vive et plus féconde est sa joie à se retrouver dans le passé des parents. » Vous direz quelles réflexions vous inspire ce passage du Journal (1927) d'André Gide, en les appuyant sur des exemples et en vous demandant Si cette conception de l'originalité ne s'applique, en littérature, qu'au domaine de la pensée.

 

Représentation/création :

Lettres Classiques

« L'artiste n'est pas le transcripteur du monde : il en est le rival. » 

Cette formule d'André MALRAUX vous paraît-elle dégager un principe permanent de la création artistique vérifié par l'ensemble des oeuvres littéraires quel que soit le genre auquel elles appartiennent ?

 

Continu/discontinu :

1980 Lettres Modernes

Julien Gracq, dans Lettrines, met en valeur l’intérêt du « discontinu » dans l’œuvre d’art : « On se préoccupe toujours trop dans le roman de la cohérence, des transitions. La fonction de l’esprit est entre autres d’enfanter à l’infini des passages plausibles d’une forme à une autre. C’est un liant inépuisable. Le cinéma au reste nous a appris depuis longtemps que l’œil ne fait pas autre chose pour les images. L’esprit fabrique du cohérent à perte de vue. C’est d’ailleurs la foi dans cette vertu de l’esprit qui fonde chez Reverdy la fameuse formule : « Plus les termes mis en contact sont éloignés dans la réalité, plus l’image est belle. » Vous étudierez ces remarques, en vous appuyant sur des exemples que vous pourrez puiser dans l’ensemble du domaine littéraire.

 

Culture et création :

1981 Lettres Modernes

« L’artiste selon Balzac ou selon Cézanne ne se contente pas d’être une animal cultivé ; il assume la culture depuis son début et la fonde à nouveau, il parle comme le premier homme a parlé et peint comme si l’on n’avait jamais peint. » Merleau-Ponty, Sens et non-sens, p. 32, Nagel, 1966.

 

Sincérité et création :

Lettres classiques 1987

Dans une lettre à un ami, Alexis SAINT-LÉGER LÉGER - le futur SAINT-JOHN PERSE - écrit, en 1909 : « Ce que je crois, [c'est] que la sincérité, en art, n'a jamais droit à l'immédiat ; qu'elle ne peut affluer qu'involontaire, par transparence, ou même négativement ; que l' « essentiel », là, ne peut jamais, sans ruser, devenir à lui-même l'objet. L'essentiel ne se dit pas, et bien plus, n'a jamais désiré se dire. » Vous exposerez, en vous attachant particulièrement au domaine de la littérature, les réflexions que vous inspire ce propos.

 

L’œuvre et le monde :

Lettres modernes, 1991

H. Godard écrit dans L’autre face de la littérature. Essai sur André Malraux et la littérature (éd. Gallimard, 1990, p. 42- 43) : « Toute oeuvre est un système de formes qui n’existent pas telles quelles dans le monde réel. Nous n’éprouvons jamais celui-ci que comme une totalité et comme une confusion. Il nous déborde de toute part. Il est sans limite, à chaque instant il se dérobe à notre prise. Tout s’y tient, et la diversité des plans de notre expérience y multiplie à l’infini les liens de tout avec tout. Les formes que nous percevons dans l’œuvre ne peuvent donc résulter que du découpage et des choix que l’artiste y a opérés. Or l’idée même d’un découpage et de choix de ce genre, chaque nouvel artiste ne peut la tenir que des oeuvres de ses prédécesseurs. « Un poète ne se conquiert pas sur l’informe, mais sur les formes qu’il admire. » Il s’ensuit que la création passe nécessairement d’abord par l’imitation, quand ce n’est pas par le pastiche. » Vous commenterez cette définition de l’œuvre littéraire sans vous en tenir à la poésie et en vous appuyant sur des exemples précis.

 

Individu créateur et tradition :

Lettres classiques 1996

Marcel Proust écrit dans le Contre Sainte-Beuve : « En art, il n’y a pas (au moins dans le sens scientifique) d’initiateur ou de précurseur. Tout est dans l’individu, chaque individu recommence, pour son compte, la tentative artistique ou littéraire ; et les oeuvres de ses prédécesseurs ne constituent pas, comme dans la science, une vérité acquise dont profite celui qui suit. Un écrivain de génie aujourd’hui a tout à faire. Il n’est pas beaucoup plus avancé qu’Homère ». A partir d’exemples précis empruntés au domaine littéraire (et, le cas échéant, artistique), vous vous interrogerez sur le bien fondé de cette opinion.

 

Brièveté :

Lettres Classiques 1998

Dans son Discours à Monsieur le Duc de La Rochefoucauld (Fables, X, 14), La Fontaine écrit : « Mais les ouvrages les plus courts / Sont toujours les meilleurs. » Que pensez-vous de cette affirmation ? Vous répondrez à cette question en étayant votre argumentation d'exemples précis, empruntés à toutes les formes de productions littéraires que vous jugerez appropriées et à toutes les époques de la littérature.

 

Sensibilité et création :

Lettres classiques 2003 

Paul Valéry écrit dans Ego scriptor : « On me fait quelque fois la remarque et le reproche de mon insensibilité. Je ne m’en défends pas. Je dis : Je sépare instinctivement l’écrivain de l’individu. Le public n’a droit qu’à notre esprit. Le cœur est chose secrète. Un être me semble d’autant moins « sensible » qu’il exhibe et utilise le plus son sentiment ». Quelles réflexions ces lignes vous suggèrent-elles ? Une analyse d’exemples précis étaiera ces réflexions.

 

Représenter la vie :

Lettres Modernes, 2004

« Si le romancier veut atteindre l’objectif de son art, qui est de peindre la vie, il devra s’efforcer de rendre cette symphonie humaine où nous sommes tous engagés, où toutes les destinées se prolongent dans les autres et se compénètrent. Hélas ! il est à craindre que ceux qui cèdent à cette ambition, quel que soit leur talent ou même leur génie, n’aboutissent à un échec. Il y a je ne sais quoi de désespéré dans la tentative d’un Joyce. Je ne crois pas qu’aucun artiste réussisse jamais à surmonter la contradiction qui est inhérente à l’art du roman. D’une part, il a la prétention d’être la science de l’homme, — de l’homme, monde fourmillant qui dure et qui s’écoule, — et il ne sait qu’isoler de ce fourmillement et que fixer sous sa lentille une passion, une vertu, un vice qu’il amplifie démesurément : le père Goriot ou l’amour paternel, la cousine Bette ou la jalousie, le père Grandet ou l’avarice. D’autre part, le roman a la prétention de nous peindre la vie sociale, et il n’atteint jamais que des individus après avoir coupé la plupart des racines qui les rattachent au groupe. En un mot, dans l’individu, le romancier isole et immobilise une passion, et dans le groupe il isole et immobilise un individu. Et, ce faisant, on peut dire que ce peintre de la vie exprime le contraire de ce qu’est la vie : l’art du romancier est une faillite. » François Mauriac, Le romancier et ses personnages, (1933), in OEuvres romanesques et théâtrales complètes, tome II, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1979, p. 847-848. Vous analyserez et vous discuterez ces propos en vous appuyant sur des exemples précis.

 

Création et subversion :

Lettres Modernes 2006

« Les grandes oeuvres du théâtre sont toujours des oeuvres subversives qui mettent en cause l'ensemble des croyances, des idées, des modèles, l'image de l'homme, d'une société et d'une civilisation. Certes, avec le temps, les histoires de la littérature effacent ce conflit ou du moins feignent de l'ignorer, pressées qu'elles sont de tranquilliser le lecteur en présentant des oeuvres dans la suite apaisante d'une histoire et d'un déroulement. Mais à l'origine, toute grande oeuvre, même si elle ne s'affirme pas complètement, frappe, gêne, révolte. » Jean Duvignaud et Jean Lagoutte, Le Théâtre contemporain, Culture et contre-culture, Paris, Larousse, 1974. En vous appuyant sur des exemples précis, vous analyserez et discuterez ces réflexions sur le genre théâtral.

 

Influence et originalité :

Lettres Modernes 2009

Réfléchissant sur l’histoire littéraire et sur la figure du grand écrivain, Chateaubriand déclare : « On renie souvent ces maîtres suprêmes ; on se révolte contre eux ; on compte leurs défauts ; on les accuse d’ennui, de longueur, de bizarrerie, de mauvais goût, en les volant et en se parant de leurs dépouilles ; mais on se débat en vain sous leur joug. Tout se teint de leurs couleurs ; partout s’impriment leurs traces ; ils inventent des mots et des noms qui vont grossir le vocabulaire général des peuples ; leurs expressions deviennent proverbes, leurs personnages fictifs se changent en personnages réels, lesquels ont hoirs1 et lignée. Ils ouvrent des horizons d’où jaillissent des faisceaux de lumière ; ils sèment des idées, germes de mille autres ; ils fournissent des imaginations, des sujets, des styles à tous les arts : leurs oeuvres sont les mines ou les entrailles de l’esprit humain. » Chateaubriand (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (1809-1841, publication posthume 1848), livre XII, chapitre 1. Vous analyserez et discuterez ces propos en vous appuyant sur des exemples précis.

1 Hoirs : terme juridique archaïque : héritiers, successeurs.

 

lien de l’auteur avec le monde social de son temps

 

Lettres classiques 2014

« Je voulais surtout vous dire ceci : il est impossible que le lecteur ne se rende pas compte de la position dans laquelle se trouve l'auteur par rapport au social. Il est intimement mêlé à la vie, vous comprenez ? Il est obligé de se servir d'un vocabulaire de gestes, d'attitudes, d'images. Ce vocabulaire de gestes, d'attitudes, d'images, est exactement placé dans la vie même que l'auteur est en train de vivre au moment où il décrit son personnage Si bien que, même s'il raconte une histoire qui se passe sous Henri IV, c'est sa propre époque qu'il décrit ! »

Jean Giono, Entretiens avec Jean Amrouche et Taos Amrouche, (enregistrés en 1952 - publiés en 1990)

 

relation de l’oeuvre avec le monde et avec elle-même 

 

Lettres classiques 2013

Un écrivain affirme lors d'un entretien au début du 21ème siècle :

« L'œuvre doit être partageable, elle doit donner à partager un amour possible du monde. [...] Rompre avec le langage de l'autre et donc avec le monde, c'est ça l'art pour l'art. Il y a préciosité dès que l'art devient miroir de lui-même. Non, les arts doivent viser à une sorte de conciliation, de tractation avec le monde — et non avec les autres. »

Commentez et, éventuellement, discutez ces propos en vous appuyant sur des exemples littéraires précis et variés.

 

Lecture/interprétation/critique

 

Clarté et obscurité :

1952 [Ancien régime]

Vigny écrit dans le Journal d’un poète : « Rien de si rare que les écrivains dont on voit le fond, ce sont les plus grands » et il donne en exemple Montaigne et Pascal. D’autre part, nous lisons dans les Nouveaux prétextes, d’André Gide : « Toutes les grandes oeuvres d’art sont assez difficiles d’accès. Le lecteur les croit aisées ; c’est qu’il n’a pas su pénétrer au cœur de l’œuvre. Ce cœur mystérieux, nul besoin d’obscurité pour le défendre contre une approche trop effrontée ; la clarté y suffit aussi bien. » Appréciez et discutez ces deux opinions ainsi rapprochées.

 

Œuvre et unité de spectateur :

Lettres Classiques 1961 (femmes)

Critiquant un ouvrage de Wells, André Gide lui reproche de s'adresser alternativement à des personnes trop différentes : « Il y a, dit-il, dans ce livre des pages qui ne peuvent amuser que des enfants, des gens neufs ; d'autres pages pour plaire aux vieux avertis que nous sommes, mais qui rebuteront les premiers ; d'autres enfin où il ne semble amuser que je ne sais quel autre lui-même... » Et ces réflexions l'ont conduit à formuler une loi de l’œuvre d'art : « Aux fameuses trois unités, volontiers j'ajouterais une quatrième : l'unité du spectateur. Elle impliquerait qu'il importe que, pièce ou livre, la création poétique s'adresse, d'un bout à l'autre de sa durée, au même lecteur ou auditeur. »

Expliquez, commentez et, le cas échéant, discutez à l'aide d'exemples précis cette exigence artistique de l'unité du spectateur ou du lecteur.

 

Lecture, critique et renaissance de l’œuvre :

Lettres Classiques 1972

Jean Starobinski écrit dans La relation critique : « L’œuvre n'est une personne que si je la fais vivre comme telle ; il faut que je l'anime par ma lecture pour lui conférer la présence et les apparences de la personnalité. Je dois la faire revivre pour l'aimer, je dois la faire parler pour lui répondre. C'est pourquoi l'on peut dire que l’œuvre commence toujours par être « notre chère disparue », et qu'elle attend de nous sa résurrection, ou du moins son évocation la plus intense. »

Vous commenterez ces lignes en vous fondant avec précision sur votre expérience personnelle de la lecture.

 

Œuvres vivantes et lues, œuvres mortes :

1974 (hommes et femmes)

En vous appuyant sur des exemples précis, vous commenterez ces réflexions d'un auteur contemporain : « L’œuvre d'art est un appel ; nulle création d'artiste, même anonyme, qui ne soit adressée, c'est-à-dire faite pour un public. Mais, inversement, il appartient au public de lui donner la vie : il en est responsable. Autant nous dépendons des chefs-d’œuvre pour pénétrer à l'intérieur de nous-mêmes et élargir notre champ d'existence, autant leur survie est entre nos mains. Nous pouvons nous rendre sourds à leur appel, refuser de leur répondre : alors ils ne sont plus que des choses parmi les autres, ils passent à l'état de documents. Mais ce ne sont pas les érudits, si nombreux soient- ils, qui leur rendront vie; ce ne sont pas non plus les professeurs dont le rôle paraît être trop souvent d'entretenir artificiellement la survivance scolaire d’œuvres qui sans eux seraient mortes depuis longtemps faute de retentissement et parce que décidément elles ont basculé dans le passé. Les oeuvres mortes sont d'ailleurs susceptibles à chaque instant de resurgir si les circonstances leur sont favorables, si, à travers les siècles, un lien s'établit, une reconnaissance redevient possible. Ce n'est pas quand elle est investie de thèses qu'une oeuvre prouve sa vitalité, c'est quand elle offre au Livre de Poche un placement rentable. Certes, et nous l'avons répété, la connaissance en s'approfondissant rend plus aisée et plus pertinente la rencontre, mais c'est celle-ci finalement qui donne du sens. » [L’auteur de ces lignes était Jean Onimus]

 

Évolution du sens des œuvres :

Lettres classiques

En vous interrogeant sur quelques oeuvres maîtresses de notre littérature, vous vous demanderez dans quelle mesure a pu se modifier la signification qu'elles avaient à l'origine pour leurs auteurs et pour leur temps et vous tenterez d'en dégager des conclusions sur la vie des grandes oeuvres à travers les siècles.

 

Lecture érudite et lecture simple :

Lettres Classiques 

« Où est-il le temps où, quand on lisait un livre, eût on été soi-même un auteur et un homme du métier, on n'y mettait pas tant de raisonnements et de façons ; où l'impression de la lecture venait doucement vous prendre et vous saisir, comme au spectacle la pièce qu'on joue prend et intéresse l'amateur commodément assis dans sa stalle ; où on lisait Anciens et Modernes couché sur son lit de repos comme Horace pendant la canicule, (...) en se disant qu'on avait mieux que les joies du Paradis ou de l'Olympe ; le temps où l'on se promenait à l'ombre en lisant (…) le temps où (...), dans sa chambre solitaire, un après-midi de dimanche, près de la fenêtre ouverte qu'encadre le chèvrefeuille, on lisait un livre unique et chéri ? Heureux âge, où est-il ? et que rien n'y ressemble moins que d'être toujours sur les épines comme aujourd'hui en lisant, que de prendre garde à chaque pas, de se questionner sans cesse, de se demander Si c'est le bon texte, s'il n'y a pas d'altération, Si l'auteur qu'on goûte n'a pas pris cela ailleurs, s'il a copié la réalité ou s'il a Inventé, s'il est bien original et comment, s'il a été fidèle à sa nature, à sa race... et mille autres questions qui gâtent le plaisir, engendrent le doute, vous font gratter votre front, vous obligent à monter à votre bibliothèque (...), à consulter, à compulser, à redevenir un travailleur et un ouvrier enfin, au lieu d'un voluptueux et d'un délicat qui respirait l'esprit des choses et n'en prenait que ce qu'il en faut pour s'y délecter et s'y complaire ». Quelles réflexions vous inspirent ces propos de Sainte-Beuve, extraits des Nouveaux Lundis ?

 

Le monde du lecteur et le monde de l’œuvre :

1977 Lettres Modernes

« Entrer dans une oeuvre, c'est changer d'univers, c'est ouvrir un horizon. L’œuvre véritable se donne à la fois comme révélation d'un seuil infranchissable et comme pont jeté sur ce seuil interdit. Un monde clos se construit devant moi, mais une porte s'ouvre, qui fait partie de la construction. L’œuvre est tout ensemble une fermeture et un accès, un secret et la clé de son secret. Mais l'expérience première demeure celle du « Nouveau Monde » et de l'écart ; qu’elle soit récente ou classique, l’œuvre impose l'avènement d'un ordre en rupture avec l'état existant, l'affirmation d'un règne qui obéit à ses lois et à sa logique propres. Lecteur, auditeur, contemplateur, je me sens instauré, mais aussi nié : en présence de l’œuvre, je cesse de sentir et de vivre comme on sent et vit habituellement. Entraîné dans une métamorphose, j'assiste à une destruction préludant à une création. » Jean ROUSSET, Forme et Signification, Introduction. En vous appuyant sur votre expérience personnelle, votre expérience de lecteur en particulier, vous exposerez les réflexions que vous suggère ce texte.

 

Critique littéraire comme prolongement de l’œuvre et comme provocation de l’œuvre :

1978 Lettres Modernes

Lors d'un colloque à Cerisy-la-Salle, en septembre 1966, consacré aux « tendances actuelles de la Critique » Jean- Pierre Richard achevait ainsi sa communication, Sainte-Beuve et l'expérience critique : « Il faut se poser pour terminer la question suivante : quel est, au juste, le rapport du langage critique au langage qu'il critique ? [...] La réponse que Sainte-Beuve lui-même fournit à cette question est simple : ce rapport est simplement de «filiation »... Le discours critique prolongerait en lui la parole de l’œuvre... Il formerait comme une couche de littérature seconde, indéfiniment continuée à partir de la littérature première... Mais peut-être cela ne suffit-il pas encore à l'ambition critique, du moins à une ambition moderne. Non content de développer en lui à sa manière tout l'implicite des oeuvres qu'il commente, le langage critique, ce langage-au-long-de, disons, si l'on veut, ce paralangage, prétend sans doute aussi d'une certaine manière se retourner « vers », « contre » le langage premier duquel il se voudrait si fidèlement issu... Voilà, je pense, l'autre fonction de la critique : c'est d’engager le sens à se maintenir dans l’œuvre à l'état d'éveil, c'est de l'appeler à s'y recommencer d'époque en époque, et d'individu en individu, sous le langage et devant l'exigence d'une sensibilité, d'une culture toujours autres. Si bien que, parallèle à la parole créatrice, il me semble que la parole critique entre aussi avec elle d'une certaine manière en concurrence... Prolongement, provocation : voilà la double face du Janus critique... Fidélité médiatrice, infidélité provocante : c'est sans doute le double ressort de la fonction critique… » Vous commenterez et apprécierez ce jugement, en étayant votre opinion d'exemples très précis.

 

Continu/discontinu :

1980 Lettres Modernes

Julien Gracq, dans Lettrines, met en valeur l’intérêt du « discontinu » dans l’œuvre d’art : « On se préoccupe toujours trop dans le roman de la cohérence, des transitions. La fonction de l’esprit est entre autres d’enfanter à l’infini des passages plausibles d’une forme à une autre. C’est un liant inépuisable. Le cinéma au reste nous a appris depuis longtemps que l’œil ne fait pas autre chose pour les images. L’esprit fabrique du cohérent à perte de vue. C’est d’ailleurs la foi dans cette vertu de l’esprit qui fonde chez Reverdy la fameuse formule : « Plus les termes mis en contact sont éloignés dans la réalité, plus l’image est belle. » Vous étudierez ces remarques, en vous appuyant sur des exemples que vous pourrez puiser dans l’ensemble du domaine littéraire.

 

Lire et Changer le monde : 

Lettres classiques

« Il arrive que l'écrivain frappant un grand coup métamorphose l'âme de ses contemporains et de leur postérité d'une façon foudroyante. Ainsi Jean-Jacques Rousseau inventant la beauté des montagnes, considérées depuis des millénaires comme une horrible anticipation de l'Enfer. Avant lui tout le monde s'accordait à les trouver affreuses. Après lui leur beauté parait évidente. Il a réussi au suprême degré, c'est à dire au point de s'effacer lui-même devant sa trouvaille. (En réalité son génie a consisté en l'occurrence à faire passer la notion de sublime du domaine humain et moral où elle était jusque-là limitée -notamment dans l'art dramatique - au domaine de la nature où seul le beau avait droit de cité). [...] Ainsi Goethe créant avec Werther (1774) l'amour romantique et déclenchant du même coup une épidémie de suicides. Il est bien vrai de dire qu'aujourd'hui aucun homme n'aimerait comme il aime Si Goethe n'avait pas écrit son Werther. » (Michel TOURNIER.) Vous vous interrogerez, à partir d'exemples précis, sur ce pouvoir « métamorphosant » des oeuvres littéraires.

 

Succès et malentendu :

Lettres classiques 1982

« Je suis convaincu que les oeuvres qui durent ne durent que par des malentendus, par toute la littérature dont la postérité les entoure, littérature où les intentions véritables des auteurs finissent par être noyées et perdues de vue. Cela peut déjà se faire de leur vivant. » Cette opinion de Montherlant sur la réception des oeuvres vous paraît-elle vérifiée par les faits ?

 

Lire un Roman/Lire la poésie :

Lettres classiques

 Pierre Reverdy écrit dans son Bloc-Notes « 39-40 » : « En lisant un roman, le lecteur ravi devient imaginairement un autre ou les autres. Le poème l'émeut mais le laisse en lui-même et plus intensément lui-même ». Qu'en pensez-vous ?

 

L’œuvre m’interroge :

1984 Lettres Modernes

Partant du « regard critique » porté sur les oeuvres littéraires, Jean Starobinski écrit dans L’œil vivant (1961) : « Mieux vaut, en maintes circonstances, s’oublier soi-même et se laisser surprendre. En récompense, je sentirai, dans l’œuvre, naître un regard qui se dirige vers moi : ce regard n’est pas un reflet de mon interrogation. C’est une conscience étrangère radicalement autre, qui me cherche, qui me fixe, et qui me somme de répondre. Je me sens exposé à cette question qui vient ainsi à ma rencontre. L’œuvre m’interroge. Avant de parler pour mon compte, je dois prêter ma propre voix à cette étrange puissance qui m’interpelle ; or, si docile que sois, je risque toujours de lui prêter les musiques rassurantes que j’invente. Il n’est pas facile de garder les yeux ouverts pour accueillir le regard qui nous cherche. Sans doute n’est-ce pas seulement pour la critique, mais pour toute entreprise de connaissance qu’il faut affirmer : « regarde afin que tu sois regardé ». En vous référant à des exemples précis, vous direz ce que vous pensez de ces réflexions.

 

Savoir lire c’est ne pas chercher des confidences personnelles :

Lettres classiques 1985

« Le public qui cherche des confidences personnelles dans le livre d'un écrivain est un public qui ne sait pas lire », dit Marguerite YOURCENAR dans un entretien avec Matthieu GALEY (Les Yeux ouverts). Comment, vous fondant sur votre expérience de lecteur, comprenez-vous ce propos ?

 

L’œuvre qui résiste à sa transformation dans la lecture :

Lettres classiques 1991

Dans un recueil d'impressions et d'idées intitulé Rhumbs, Paul VALÉRY écrit : « Une oeuvre est solide quand elle résiste aux substitutions que l'esprit du lecteur actif et rebelle tente toujours de faire subir à ses parties. N'oublie jamais qu'une oeuvre est chose finie, arrêtée et matérielle. L'arbitraire vivant du lecteur s'attaque à l'arbitraire mort de l'ouvrage. » Vous direz ce que vous pensez de ces remarques en vous fondant sur des exemples précis empruntés à la littérature française.

 

Les catégories critiques comme pièges :

Lettres classiques 1992

Vous commenterez et discuterez à l'aide d'exemples précis ces remarques de Julien Gracq, En lisant en écrivant, 1980, p. 174 : « En matière de critique littéraire, tous les mots qui commandent à des catégories sont des pièges. Il en faut, et il faut s'en servir, à condition de ne jamais prendre de simples outils-pour-saisir, outils précaires, outils de hasard, pour des subdivisions originelles de la création ; que d'énergie gaspillée à baliser les frontières du « romantisme », à répartir les oeuvres d'imagination entre les fichiers du fantastique, du merveilleux de l'étrange, etc. ! Les oeuvres d'art, il est judicieux d'avoir l’œil sur leurs fréquentations, mais de laisser quelque peu flotter leur état civil. »

 

Littérature, vérité et morale :

Lettres classiques 1993

« Depuis deux cents ans, on nous a répété à qui mieux mieux que la littérature était un langage qui trouvait sa fin en lui-même. Il est temps d'en revenir à des évidences qu'on n'aurait pas dû oublier : la littérature a trait à l'existence humaine, c'est un discours orienté vers la vérité et la morale. [...]} Littérature et morale : quelle horreur ! S’exclamera mon contemporain. Oui, le rapport aux valeurs est inhérent à la littérature : non seulement parce qu'il est impossible de parler de l'existence sans s'y référer, mais aussi parce que la littérature est un acte de communication, ce qui implique la possibilité d'entente au nom de valeurs communes. [...]Mais la littérature n'est pas un sermon : la différence entre les deux est que ce qui est ici un acquis préalable ne peut être là qu'un horizon ». Tzvetan TODOROV, Critique de la Critique, 1984. En vous appuyant sur les oeuvres littéraires de votre choix, vous direz quelles réflexions vous inspire cette protestation d'un critique contemporain.

 

Interpréter une œuvre, les limites de l’interprétation :

Lettres modernes 1993

Dans un ouvrage publié en 1979, Vers l’Inconscient du texte (PUF, p. 194-195) J. Bellemin-Noël écrit : « Je ne puis fantasmer n’importe quoi à propos d’un texte. Je ne brode pas sur un canevas aux couleurs prémarquées : ce discours et moi, nous devenons ensemble cette tapisserie. Ma main doit passer par des points obligés, choisir des fils de nuances déterminées, meubler les entours d’une ornementation. Le motif existe. Imposé par le titre, il ne faut pas l’oublier ; le dessin, la couleur et le cadre sont aménagés. Mon inconscient de lecteur ne s’impose pas, il se prête aux possibles du texte ; le sens secret du texte ne s’expose pas, même à force de (mauvais ou bons) traitements, il s’offre aux connivences de mon écoute. Car c’est moi qui suis le maître du relief, des intensités : j’accentue ici ou là, je marque plus ou moins le contraste, je crée la tonalité, je fais voir ce qui n’était pas remarqué, remarquer ce qui autrement n’eût pas été vu, mon rôle est de mettre en vue – je suis metteur en scène du sens, et dès lors c’est mon sens. » Vous commenterez ces propos en vous appuyant sur des exemples précis.

 

Structure de l’œuvre/effets de lecture (espace et temps) :

Lettres Modernes, 1997

Dans En Lisant en écrivant (éd. J. Corti, 1981), Julien Gracq déclare : « Ce qui égare trop souvent la critique explicative, c’est le contraste entre la réalité matérielle de l’œuvre : étendue, articulée, faite de parties emboîtées et complexes, et même, si l’on veut, démontable jusque dans son détail, et le caractère rigidement global de l’impression de lecture qu’elle produit. Ne pas tenir compte de cet effet de l’œuvre, pour lequel elle est tout entière bâtie, c’est analyser selon les lois et par les moyens de la mécanique une construction dont le seul but est de produire un effet analogue à celui de l’électricité. » En fondant votre réflexion sur des exemples littéraires précis, vous analyserez et discuterez ce propos.

 

Lire et relire :

Lettres Classiques 2005

« relire n’est pas lire une seconde fois, mais nouer un rapport nouveau avec ce qui se fait reconnaître comme un texte ; relire est perdre notion du temps de la lecture, et se délivrer du charme qu’exerce de façon répétée la chose dite ici et maintenant »

Cl. Lefort, « Le nom d’Un », Paris, Payot, 1993, « Petite Bibliothèque Payot » 134, p. 247-307.

 

Expliquer/aimer :

Lettres Modernes 2007

Dans En lisant en écrivant (1980, José Corti, p. 178) Julien Gracq - s'adressant au critique littéraire – déclare : « Un livre qui m'a séduit est comme une femme qui me fait tomber sous le charme : au diable les ancêtres, son lieu de naissance, son milieu, ses relations, son éducation, ses amies d'enfance ! Ce que j'attends seulement de votre entretien critique, c'est l'inflexion de voix juste qui me fera sentir que vous êtes amoureux, et amoureux de la même manière que moi : je n'ai besoin que de la confirmation et de l'orgueil que procure à l'amoureux l'amour parallèle et lucide d'un tiers bien disant. » Vous analyserez et discuterez ces propos en vous appuyant sur des exemples précis.

 

Lire : changer de monde :

Lettres classiques 2008

« Entrer dans une oeuvre, c’est changer d’univers, c’est ouvrir un horizon. L’œuvre véritable se donne à la fois comme révélation et comme pont jeté sur ce seuil interdit. Un monde clos se construit devant moi, mais une porte s’ouvre, qui fait partie de la construction. L’œuvre est tout ensemble une fermeture et un accès, un secret et la clé de son secret. »

Jean Rousset, Forme et signification, Paris, Corti, 1962, réimpression 2002, Introduction, p. II.

Vous commenterez et, éventuellement, discuterez cette affirmation en usant largement de votre expérience de lecteur.

 

Œuvre singulière et vue d’ensemble :

Lettres modernes 2010

S’appuyant sur une remarque de Paul Valéry, Pierre Bayard dans Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ? déclare : « Valéry incite à penser en termes de bibliothèque collective et non de livre seul. Pour un vrai lecteur, soucieux de réfléchir à la littérature, ce n’est pas tel livre qui compte, mais l’ensemble de tous les autres, et prêter une attention exclusive à un seul risque de faire perdre de vue cet ensemble et ce qui, en tout livre, participe à une organisation plus vaste qui permet de le comprendre en profondeur. Mais Valéry nous permet aussi d’aller plus loin en nous invitant à adopter cette même attitude devant chaque livre et à en prendre une vue générale, laquelle a partie liée avec la vue sur l’ensemble des livres. » Pierre Bayard, Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ?, Éd. de Minuit, 2007, p. 42. Vous analyserez et discuterez ces propos en vous appuyant sur des exemples variés et précis.

 

Définir la littérature

 

Lettres Classiques 1973

En vous appuyant sur des exemples précis, vous commenterez et apprécierez ce jugement de Paul Valéry : « Comment ne pas choisir le meilleur dans ce vrai sur quoi l'on opère ? Comment ne pas souligner, arrondir, colorer, chercher à faire plus net, plus fort, plus troublant, plus intime, plus brutal que le modèle ? En littérature le vrai n'est pas concevable. »

 

Lettres Modernes 1973 (hommes et femmes)

En vous appuyant sur vos lectures et sur vos réflexions personnelles, vous commenterez cet extrait de la Lettre à mes Lecteurs de Pierre Henri Simon, publiée le 22 septembre 1972. « Pour moi, la littérature est une chose importante, différente d'un pur divertissement, même distingué, ou d'une affaire de librairie, même importante. Comme Charles Du Bos, je crois que la littérature ne se sépare pas de ta vie, qu'elle est « la vie prenant conscience d'elle-même » à un degré d'intensité et d'individualité de la sensation et du sentiment. Mais la source existentielle ne suffit pas : il faut encore qu'elle jaillisse chez un être doué d'une puissance exceptionnelle d'expression, chez un créateur de formes qui sont moins valables en tant que formes abstraites qu'en tant que moyens nécessaires d'une signification intime et originale qui, sans elles, ne serait pas communicable. Pas de forte littérature qui ne soit que style et pas de bonne littérature qui ne soit style. Je sais bien que ce souci que vous m'avez toujours vu, chers lecteurs, d'atteindre le sens humain des oeuvres et d'attacher dans ce sens une importance spéciale aux valeurs qui font de l'homme un animal qui s'est dépassé, cette exigence aussi d'un travail du langage pour lui faire livrer, au-delà de ses fonctions descriptives et pratiques, les secrets du monde intérieur, m'ont fait souvent accuser de moraliser la critique, d'ignorer la prouesse esthétique en tant que telle. Mais combien de grandes oeuvres authentiques pourrait-on citer, et spécialement en notre temps, dont l'auteur n'ait pas eu projet de moraliste ou d'immoraliste, n'écrive pas pour la défense de la civilisation bourgeoise ou pour la révolution, pour privilégier la conscience rationnelle ou l'inconscient, pour ou contre le langage, pour ou contre la science, pour la purification du christianisme ou pour la mort de Dieu ? » 

 

Lettres Modernes 1977

« Entrer dans une oeuvre, c'est changer d'univers, c'est ouvrir un horizon. L’œuvre véritable se donne à la fois comme révélation d'un seuil infranchissable et comme pont jeté sur ce seuil interdit. Un monde clos se construit devant moi, mais une porte s'ouvre, qui fait partie de la construction. L’œuvre est tout ensemble une fermeture et un accès, un secret et la clé de son secret. Mais l'expérience première demeure celle du « Nouveau Monde » et de l'écart ; qu’elle soit récente ou classique, l’œuvre impose l'avènement d'un ordre en rupture avec l'état existant, l'affirmation d'un règne qui obéit à ses lois et à sa logique propres. Lecteur, auditeur, contemplateur, je me sens instauré, mais aussi nié : en présence de l’œuvre, je cesse de sentir et de vivre comme on sent et vit habituellement. Entraîné dans une métamorphose, j'assiste à une destruction préludant à une création. » Jean ROUSSET, Forme et Signification, Introduction. En vous appuyant sur votre expérience personnelle, votre expérience de lecteur en particulier, vous exposerez les réflexions que vous suggère ce texte.

 

Lettres Modernes 1979

« Il apparaît que la fonction littéraire ne peut être précisée que pour chaque époque ; dans la nôtre, le besoin d’évasion, le goût d’idéaliser, le talent de décrire, de peindre et d’informer, se sont effacés devant l’exigence de remâcher et de méditer les problèmes fondamentaux du sens de la vie. On conçoit alors que le mot « littéraire » ne puisse être défini par le rôle et la fonction de l’activité qu’il désigne, puisque cette fonction change incessamment. Elle n’est jamais que l’accent que prend l’homme lorsque, dans son effort pour s’exprimer… il grave des signes conventionnels et intelligibles qui transcrivent intellectuellement sa voix profonde ». R.M. Albérès, Bilan littéraire du XXe siècle, p. 232, Aubier, 1962. Commentez et discutez cette opinion en vous efforçant de préciser par des exemples ce que recouvre cette notion d’œuvre » littéraire ».

 

Lettres Classiques

« L'artiste n'est pas le transcripteur du monde : il en est le rival. » 

Cette formule d'André MALRAUX vous paraît-elle dégager un principe permanent de la création artistique vérifié par l'ensemble des oeuvres littéraires quel que soit le genre auquel elles appartiennent ?

 

Changer le monde : 

Lettres classiques

« Il arrive que l'écrivain frappant un grand coup métamorphose l'âme de ses contemporains et de leur postérité d'une façon foudroyante. Ainsi Jean-Jacques Rousseau inventant la beauté des montagnes, considérées depuis des millénaires comme une horrible anticipation de l'Enfer. Avant lui tout le monde s'accordait à les trouver affreuses. Après lui leur beauté parait évidente. Il a réussi au suprême degré, c'est à dire au point de s'effacer lui-même devant sa trouvaille. (En réalité son génie a consisté en l'occurrence à faire passer la notion de sublime du domaine humain et moral où elle était jusque-là limitée -notamment dans l'art dramatique - au domaine de la nature où seul le beau avait droit de cité). [...] Ainsi Goethe créant avec Werther (1774) l'amour romantique et déclenchant du même coup une épidémie de suicides. Il est bien vrai de dire qu'aujourd'hui aucun homme n'aimerait comme il aime Si Goethe n'avait pas écrit son Werther. » (Michel TOURNIER.) Vous vous interrogerez, à partir d'exemples

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